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Loi de Sécurité Globale : une ligne rouge ? - La lettre politique de Laurent Joffrin #28
Loi de Sécurité Globale : une ligne rouge ?
Cachez cette matraque que je ne saurais voir… Le gouvernement et le parti LREM ont trouvé une réponse radicale à la sensible question des « violences policières » : non pas les combattre, ce qui serait long et compliqué, mais s’efforcer de les rendre invisibles. Dans l’article 24 de la « loi de Sécurité Globale » en discussion aujourd’hui à l’Assemblée il est prévu de pouvoir infliger un an de prison et 45 000 euros d’amende à ceux qui auraient diffusé « par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».
Bien sûr l’accroissement du nombre d’attaques violentes contre les policiers mérite une réponse. Bien sûr, le gouvernement doit faire face à la colère des policiers qui se sentent cloués au pilori médiatique par les vidéos captées pendant les manifestations et largement diffusés ensuite sur les réseaux sociaux ou les chaînes de télévision. Bien sûr la proposition est limitée aux cas où il est prouvé que l’intention de celui ou de celle qui filme est bien de nuire aux agents de la force publique.
Le texte pose néanmoins question. Et d’abord sur son interprétation. Celle qu’en donne Gérald Darmanin n’est pas douteuse. Pour le ministre de l’Intérieur, il s’agit de faire droit aux demandes des syndicats de police qui s’émeuvent de voir l’identité des agents divulguée à travers ces vidéos et exigent que toute identification soit impossible. Mais si cette interprétation prévaut, les peines prévues risquent de dissuader les journalistes audiovisuels de filmer toute opération de police et les citoyens de faire de même, alors même que cette latitude est un droit internationalement reconnu.
Qu’est-ce, ensuite, qu’une intention de nuire aux policiers ? Là aussi l’ambiguïté règne. S’il s’agit de prévenir des agressions contre la police, on comprend la logique du texte. Mais s’il s’agit d’empêcher toute mise en cause de telle ou telle action fautive avec des preuves filmées à l’appui, ou de proscrire tout discours de critique de la police documentée par des vidéos, on franchit une ligne rouge en portant une grave atteinte à la liberté d’informer et à la liberté d’expression et de communication. Après tout, une fois le texte voté, on peut très bien considérer que toute diffusion d’image portera atteinte « à l’intégrité psychique » du policier et donc poursuivre ses auteurs. Gérald Darmanin se défend de vouloir interdite aux journalistes – ou aux citoyens – de filmer des policiers en action (de loin, ou en floutant leur visage). Certes. Mais le risque de dérive est là. Voilà donc un texte qui mérite, sinon une suppression, du moins une vigilante réécriture.