« Manu, j’ai rétréci ton plan ! » - Lettre politique #60

Laurent Joffrin | 10 Février 2021

On se souvient peut-être d’un film familial intitulé : « Chéri, j’ai rétréci les gosses ! » Mutadis mutandis, c’est l’opération que vient de réaliser le gouvernement avec le « plan climat » issu de la Convention citoyenne réunie il y a un an à la suite de l’affaire des gilets jaunes. « Manu, j’ai rétréci ton plan ! »


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Longuement concoctées par un aréopage tiré au sort, les 149 mesures proposées aboutissent à un projet de loi, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, qui n’en comprend plus que 65. Le gouvernement se défend en arguant que les actions manquantes figurent – ou figureront – dans d’autres projets ou décrets. Le plaidoyer ne convainc pas les membres de la Convention citoyenne, ni les ONG spécialisées qui fustigent la timidité macronienne et l’influence pernicieuse des lobbies. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a abrité les débats, estime qu’il s’agit d’un plan au rabais. Pire, l’étude d’impact associée au projet (par le gouvernement lui-même, donc) montre que la mise en œuvre du plan atteindra au dixième seulement les réductions de gaz à effet de serre préconisées par l’Accord de Paris sur le climat.

Ces mesures, soyons justes, vont dans le bon sens et sont susceptibles d’améliorer la situation. Mais, comme disait Cyrano : « C’est un peu court, jeune homme… »  Emmanuel Macron a d’abord commis une erreur psychologique. Désireux de plaire, il a promis à la Convention que ses propositions seraient, pour l’essentiel, appliquées « sans filtre ». Drôle d’expression : c’était conférer à la Convention, instance consultative, un pouvoir qui ne lui revient pas mais reste l’apanage des instances élues, qui ne sont pas des « filtres » mais des lieux de décision. Quand on promet la lune, on déçoit.

Sur le fond, nul ne niera la difficulté de l’exercice. Pour réduire de 40% les émissions avant 2030, il faut produire un effort herculéen, qui touche de longues habitudes, qui affecte des secteurs entiers, qui suppose des transformations radicales. Le gouvernement a fait un bout de chemin, on ne s’en plaindra pas. Mais il faudra, dans les années à venir, changer d’échelle, par exemple pour rénover le parc de logements français, réduire la part du transport aérien ou encore bouleverser nombre de techniques agricoles. Cela suppose un projet global, qui affecte toute la société et tous les aspects de l’action publique. Il faut une vaste réforme de structure : une instance de planification réhabilitée, un nouvel indicateur qui complète le PIB et permette d’évaluer chaque année l’impact environnemental des budgets publics, un effort inédit d’investissement, une prévision nationale des pertes et des gains d’emploi, etc.

Ce sera l’enjeu clé de 2022. La gauche mesure le défi, prépare ses plans, définit sa stratégie*. Après l’esquisse macronienne, il faut un tableau complet et cohérent des efforts à fournir. Il reste six mois pour l’achever. Un temps à son tour rétréci : raison de plus pour s’y plonger sans hésitation.

* On peut lire sur ce point les mesures proposées par Engageons-nous, qui forment une partie importante de notre plateforme « Le Temps des Possibles ».     

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages