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Biden ou l’optimisme - Lettre politique #88
Le formidable discours sur l’État de l’Union prononcé par Joe Biden doit faire réfléchir la gauche tout entière. En cent jours, la nouvelle administration a pris plus de décisions, engagé plus de réformes, lancé plus de projets que la plupart de celles qui l’ont précédée.
Il faut remonter à Kennedy, Johnson, ou encore Franklin Roosevelt pour retrouver une telle énergie réformatrice. Donald Trump avait surnommé son adversaire « Sleepy Joe », « Joe l’endormi ». Encore une fake news du battu de novembre dernier : « Sleepy Joe » a réveillé le peuple américain. Catalogué centriste mou, Biden, s’il continue à ce rythme et si le Congrès le suit, restera dans l’histoire du progressisme américain.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Le nouveau président est un vieux démocrate, dans tous les sens du terme. Outre son âge, il a mené une longue carrière au Congrès puis à la vice-présidence, défendant toujours les valeurs de réforme, de solidarité et de liberté qui sont le fond de la doctrine démocrate aux États-Unis. Aidé par son aile gauche, qui l’a aiguillonné pendant la campagne, il a adapté ces valeurs aux défis du siècle à venir. Anciennes valeurs, nouveaux défis : tout est là.
Il a mis son pays sur la voie de la transition écologique et tenu compte des revendications féministes (symbole : il est le premier président à avoir prononcé ce discours annuel devant deux femmes, sa vice-présidente et la présidente de la Chambre des Représentants). Il a entendu l’exigence de justice émanant des minorités. Mais il a aussi, à côté de ces questions qui mobilisent en priorité la jeune génération, parlé fraternellement à la classe ouvrière américaine, quelle que soit sa couleur ou son origine.
Le plan d’investissement massif qu’il a présenté pour renouveler les infrastructures du pays, améliorer l’éducation et la santé, aider les familles modestes, créera aux deux tiers des emplois pour les travailleurs peu diplômés, ceux qu’on appelle les « blue collars », les plus frappés par le chômage. À cela, il ajoute une hausse du salaire minimum, un soutien aux syndicats, un accès plus large à la santé pour tous les ménages. Un programme social pour retrouver le lien avec l’électorat populaire, le tout financé par une taxation nouvelle des grandes compagnies et des plus riches des Américains. On est loin de la politique menée par Emmanuel Macron, adepte de la « théorie du ruissellement » dénoncée par Joe Biden : le président français maintient la suppression de l’ISF et de la flat tax, exonère les donations… tout en annonçant qu’il faudra bien rembourser la dette liée à la crise de la Covid.
Autre temps fort du discours de Biden : son plan écologique pour l’énergie propre, les nouvelles technologies économes en gaz à effet de serre, la préservation de la nature, qui est symbolisé par un seul mot. Écologie ? Environnement ? Planète ? Non : « jobs ». Des emplois ! La reconversion verte de l’économie, selon Biden, fondée sur une vision rationnelle et sur une confiance dans la science et la technologie, est d’abord une source de croissance et de création d’emploi. Il y adjoint le refus du tout-libre-échange et considère avec lucidité les concurrence des nouveaux géants du siècle, à commencer par la Chine. Audace, réalisme, foi dans le génie du peuple. Voilà qui nous change des lugubres prédictions qu’on entend sans cesse en France. On est loin également du plan de relance européen, dont les 750 milliards d’euros décidés en juillet dernier – et toujours pas décaissés – font pâle figure en comparaison des quelques 9000 milliards de dollars des plans d’investissement et de relance successifs votés ou annoncés aux États-Unis depuis mars 2020.
Biden ne parle pas catastrophe, déclin, austérité, repli ou décroissance. Il parle renaissance, progrès, espoir. Leçon précieuse : on ne construit rien sur la peur de l’avenir.