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Cacophonie en Nupes majeur
Le contraste est saisissant. Le mouvement syndical fait une démonstration de force et d’unité qui impressionne aussi bien l’opinion que les commentateurs ; la gauche politique, censée la soutenir d’une seule voix, offre un spectacle aussi baroque qu’anarchique.
Plutôt que de seconder la protestation en laissant les forces syndicales mener le jeu, LFI joue sa carte perso en tentant de récupérer une manifestation de jeunes contre la réforme des retraites. Résultat : quelque 13 000 manifestants dans Paris, alors que les défilés précédents avaient réuni plus d’un million de personnes, chiffre historique à l’aune des mouvements sociaux. LFI promeut un cortège qui en rassemble cent fois moins, ajoutant un codicille maigrelet et inutile à la protestation de jeudi. LFI revendique 150 000 manifestants, ce dont personne ne croit un mot : la police a pu sous-estimer la manif des jeunes, mais certainement pas en diviser le nombre par dix.
Dans le même esprit d’outrance, Mathilde Panot, chef de file insoumise, annonce 17 000 amendements à l’Assemblée, ce qui aurait pour effet de paralyser la discussion. Avec un certain bon sens, François Ruffin, insoumis franc-tireur, demande qu’on examine le projet sérieusement, point par point, pour en démontrer la nocivité. Pour apaiser l’atmosphère, Jean-Luc Mélenchon traite ses anciens seconds (Coquerel, Autain, Corbière, Ruffin, Garrido…) de vulgaires « éléphants ». Autant dire, dans son esprit, de sociaux-traîtres plus ou moins cacochymes.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Sandrine Rousseau explique qu’il faut « réduire la place du travail » dans la société et « ne pas consacrer sa santé à faire monter un PIB qui nous envoie droit dans la crise climatique ». Discours décroissant qui a sa logique interne. Mais elle oublie de préciser que la diminution de la production entraîne automatiquement celle des revenus. Et qu’avec des revenus en baisse (qui portent les cotisations), on ne pourra pas financer les retraites, en tout cas pas au même niveau de pension. La décroissance du PIB entraîne celle des retraites : une précision qui manque au raisonnement.
Marine Tondelier, cheffe des écologistes, propose une « France sans milliardaires ». Il y manque les voies et moyens. La seule manière d’y parvenir, c’est de surtaxer lesdits milliardaires. Or, pour transformer un milliardaire en millionnaire, il faut imposer son patrimoine à un taux draconien (et inconstitutionnel), qui provoquera la fuite des concernés si d’aventure il était néanmoins inscrit au programme d’une future majorité. La gauche responsable propose de rétablir l’ISF et d’en accroître le taux, ce qui serait déjà un progrès appréciable. Mais pas à un niveau confiscatoire, qui les obligerait à partir ou à vendre leurs entreprises (à qui d’ailleurs, sinon à des milliardaires étrangers ?).
La Nupes encore. Appelé à voter pour son congrès, le PS se coupe en deux moitiés, l’une voulant s’y arrimer, l’autre souhaitant s’en dégager. Olivier Faure, pro-Nupes, se proclame gagnant, mais son rival Nicolas Mayer-Rossignol aussi. On parle de confusion, de manœuvres, de fraudes. Mais on oublie de dire que la controverse est avant tout politique. C’est bien la Nupes qui fracture les socialistes, dans un scrutin dont le résultat est fort douteux : si le résultat est aussi « clair et net » que le dit la direction du parti, pourquoi avoir interrompu les travaux de la commission chargée de valider les résultats ? En un mot, la Nupes était censée unir la gauche autour d’un projet commun. Qu’il s’agisse des mesures proposées ou de la pratique politique, elle ne cesse de la diviser.
Crédit photo : Challenges