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Climat : l'urgence est dans la méthode
En 2023 et 2024, deux exercices de planification définiront les feuilles de route de l'action pour le climat. Mais la méthode envisagée reste insatisfaisante, tant en termes de cohérence que du point de vue démocratique.
Tribune publiée par Benoit Cogné (ingénieur énergéticien)
dans Les Echos le 01/11/2022
Alors que le thème de la planification écologique a été largement mis en avant par les candidats de la gauche à la dernière élection présidentielle, puis repris par Emmanuel Macron, l'actuelle crise d'approvisionnement énergétique semble, paradoxalement, reléguer ce sujet au second plan.
Si cette crise est bien la démonstration de notre dépendance à l'énergie, l'urgence à agir pour y faire face risque pourtant de retarder encore la définition et la mise en oeuvre des mesures structurelles nécessaires à la transition vers la neutralité carbone. La nécessité de la planification de l'action pour le climat reste donc entière. Mais que mettons-nous derrière ce terme de « planification » ?
Incapacité à atteindre les objectifs
Un examen de l'action publique montre d'abord que la planification est en fait déjà en cours. Elle est organisée au travers des documents de programmation stratégique générale (essentiellement la Stratégie nationale bas carbone SNBC), sectorielle (Programmation pluriannuelle de l'énergie PPE, feuilles de route ministérielles) ou territoriale. Mais cette abondance d'outils masque une incapacité à atteindre les objectifs annoncés, que le Haut conseil pour le climat souligne annuellement.
Les causes de cette défaillance sont profondes : absence de véritable délibération et de validation démocratique dans l'élaboration des stratégies, désynchronisation de ces outils, en particulier entre niveau national et niveau territorial, faiblesse de la reddition des comptes dans la conduite de l'action devant les représentants élus.
Ces constats étant formulés, on doit se demander si la nouvelle Stratégie française énergie climat (SFEC) corrigera le tir. Constituée de la future Loi de programmation énergie climat (LPEC) prévue pour 2023 et de la révision de la SNBC et de la PPE en 2024, cette future stratégie apporte une amélioration réelle en portant devant le Parlement le débat sur la programmation de l'énergie.
Orientations de court terme
Mais cette amélioration risque fort de décevoir. Elle ne corrige pas l'absence de validation de la SNBC par le Parlement, ne réarticule pas la programmation sectorielle et territoriale avec la programmation générale et ne propose que des intentions en matière de participation. Si le portage politique est en progrès, par la création du Secrétariat général à la planification écologique placé auprès de la Première ministre, la preuve de l'efficacité de cette mesure reste attendue. Le principal défaut de la future Stratégie française énergie climat est cependant ailleurs.
Plaçant la future Loi de programmation énergie climat avant la révision de la SNBC (et des stratégies sectorielles et territoriales qui en dépendent), le processus de la SFEC prévoit de statuer sur les orientations de court terme pour la production d'énergie avant d'avoir précisé les orientations générales de l'économie et donc les besoins énergétiques futurs. Si des décisions urgentes en matière énergétique sont requises, la méthode envisagée ne prévoit cependant aucune modalité conciliant cette urgence avec la définition ultérieure des orientations plus générales de long terme.
Débat public et démocratique
A moins de considérer, dans une forme de pari, que l'ampleur des mutations de notre modèle de développement à opérer restera limitée et que la délibération sur cette question est finalement secondaire, cette méthode apparaît donc périlleuse. Source d'incompréhension, alors que les questions relatives à l'énergie font l'objet de nombreuses crispations et oppositions, elle risque de compromettre la qualité des décisions à prendre et de ralentir leur déploiement.
Sur la base de ces constats, il est possible de formuler deux orientations clé, refondant une méthode de planification efficace. La première consiste à reconstruire un processus de planification cohérent et compréhensible par tous. Cela impose d'abord de poser, sans plus chercher à la contourner, la nécessité du débat public et démocratique sur le scénario général de transition.
Sa mise en oeuvre nécessite cependant d'y associer, dans le même temps, la définition des stratégies sectorielles et territoriales et de jalonner ce processus de rendez-vous intermédiaires de validation. Nous disposons de tous les atouts pour y parvenir : études prospectives (Ademe, négaWatt, Shift Project, RTE…), expérience, compétences et détermination de nombreux acteurs.
Nouer de nouvelles solidarités
La seconde orientation clé repose sur la contribution du plus grand nombre à l'élaboration des stratégies. Parfois considérée avec scepticisme, sinon comme un accessoire démocratique, la participation est pourtant requise dans le contexte de l'action pour le climat. Celle-ci concernera chacun, à la fois parce que l'engagement individuel sera indispensable, bien au-delà des « petits gestes », et parce que les mutations à accomplir supposeront de nouer de nouvelles solidarités.
Pour ces raisons, aucun courant politique, ni aucun think-tank, même le plus perspicace ne pourra jamais élaborer le « meilleur scénario », que seul un véritable « travail de la société sur elle-même » devrait permettre d'approcher. Pour y parvenir, il est possible de s'appuyer sur les nombreuses initiatives participatives mises en oeuvre chaque jour, dans les entreprises ou dans les territoires, dans des formes les plus simples comme les plus abouties.
Si amplifier ce mouvement nécessite certainement des moyens, il semble cependant que la plus grande difficulté tienne dans le regard porté par les pouvoirs publics sur le citoyen, plus souvent considéré comme un être passif à conditionner, que comme un acteur apte à saisir les enjeux d'aujourd'hui et à débattre des solutions.
Crédit photo : iStock « La participation de chacun est requise dans le contexte de l'action pour le climat »