- Le mouvement
- Le Lab de la social-démocratie
- Nos publications
- Actualités
- Evénements passés
- Adhérer
Contre la réduction de 150 à 200 000 postes de fonctionnaires
Plusieurs candidats à la primaire de la droite ont annoncé vouloir supprimer un nombre important de fonctionnaires. Ce thème de campagne, qui est l’un des marqueurs forts de la droite, est pourtant l’un des exemples les plus frappants de leur incohérence idéologique et leur manque de réalisme.
1. Rappel des chiffres
5.61 millions agents publics dans les trois versants de la fonction publique sont répartis comme suit :
- 2.491 millions → FPE (Fonction Publique d'Etat)
- 1.935 million → FPT (Fonction Publique Territoriale)
- 1.184 million → FPH (Fonction Publique Hospitalière)
Dont:
- Éducation nationale et enseignement supérieur 1 058 840 → 725 000 enseignants
- Intérieur : 297 470 → 247 199 policiers et gendarmes
- Défense : 263 402 → 199 807 militaires
- Économiques et financiers : 136 894 → 97 583 agents de la DGFIP
- Justice : 89 759 → 27 000 personnels pénitentiaires
=> Une grande part des effectifs est donc dédiée à des missions que nous jugeons prioritaires.
2. Une politique irresponsable
Les propositions des représentants de la droite sont dogmatiques et surtout irresponsables, tant en termes financiers qu’en termes de capacité de l’Etat à accomplir ses missions avec moins d’effectifs.
Les réductions d’effectifs impactent négativement la qualité du service public. Depuis plusieurs décennies déjà, les suppressions massives de fonctionnaires font peser un risque majeur sur la qualité des services publics pour les citoyens habitant les territoires ruraux notamment. Hôpitaux, maternités, lycées, services administratifs sont souvent très loin des villages. La dématérialisation des services est également un frein pour les personnes âgées ou les citoyens qui résident dans des zones mal couvertes par les réseaux de télécommunication.
Le dogme de la droite repose sur la représentation d’un service public rentable et efficace concrétisée par exemple dans l’hôpital public à travers la mise en place en 2004 de la Tarification à l’activité (T2A) et la rationalisation des moyens financiers et humain.
Nous nous opposons à cette vision marchande du service public. L’efficacité du service public ne se mesure pas en économie. C’est une œuvre d’utilité collective, sociale et progressiste.
Entre 2004 et 2017, l’hôpital public a fermé 69 000 lits. Cette politique de rentabilité a été confrontée à une réalité tragique avec l’irruption du Covid-19. Qui saurait dire aujourd’hui, combien de morts cette politique a t-elle causée ? Cette tendance libérale a montré toutes les limites de cette logique de réduction en France et ailleurs.
3. Une politique coûteuse pour l’Etat en raison de la sous-traitance qu’elle implique
Les externalisations et les privatisations en contrepartie des réductions de personnels peuvent avoir un coût plus important que la gestion du service public en régie.
Elles coûtent 163 milliards par an → 120 milliards pour la délégation de services public → 43 milliards de marchés de services ou de prestations.
Par exemple, la Cour des comptes juge sévèrement les partenariats publics-privé (PPP)[1] tout comme la cour des comptes européenne[2]. Elle estime que le recours au privé par ces modalités coûte plus cher à l’Etat que s’il avait lui-même réalisé les projets immobiliers. Dans un rapport sur les externalisations au Ministère de la Défense[3], elle juge également que les externalisations ne comportent pas d’intérêt financier pour l’Etat en termes de personnel. Dans le numérique, le recours aux prestataires est une véritable gabegie : des prestations, que des fonctionnaires peuvent réaliser eux-mêmes, sont facturées 1500 euros HT la journée.
4. Une politique passéiste qui met la droite face à ses contradictions
La droite est bien en peine à se renouveler du dogme libéral du XIXème siècle.
Les propositions de réduction de la fonction publique sont une vieille rengaine de la droite depuis des décennies voire même des siècles. En réalité, plus qu’une proposition sérieuse, ces promesses de campagnes s’inscrivent dans la tradition libérale du XIXème comme le souligne Emilien Ruiz dans Trop de fonctionnaires ? Histoire d'une obsession française (XIXe-XXIe siècles).
Chacun y va de sa petite annonce et c’est la course au chiffre le plus élevé : 150 000 puis 200 000 suppressions pour Valérie Pécresse, 250 000 pour Eric Ciotti. Fillon proposait une suppression de 500 000 fonctionnaires en 2017. Quant à Sarkozy, il avait annoncé une suppression de 150 000 postes.
L’hypocrisie d’une droite française incohérente idéologiquement
Alors que la droite se fait fort de réduire le nombre de fonctionnaires, elle promet « en même temps » de réaffirmer l’autorité de l’Etat et « protéger, éduquer et soigner » dans un exercice de schizophrénie dont elle a le secret. Pourtant, comme le souligne la Cour des comptes dans son bilan de la RGPPP, un effort de réduction du nombre de fonctionnaires efficace implique nécessairement de revoir le périmètre de l’Etat, ce que se refuse à faire la droite par électoralisme. Au Canada, la réduction de 20% du personnel public s’est accompagné d’une réduction du champ d’intervention de l’Etat. Ces propositions mettent ainsi les candidats de droite face à leurs propres contradictions. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy en est un exemple frappant : alors que la sécurité et l’autorité de l’Etat constituait son fer de lance, il a supprimé 10 000 postes de policiers en 5 ans.
Auteurs : Mathieu Borderon et Louis Fayolle Enjalbert
[1] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/125-RPA2015-partenariats-public-prive.pdf
[2] https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=45153
[3] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-cout-et-les-benefices-attendus-de-lexternalisation-au-sein-du-ministere-de-la