Convoi « de la liberté » ou de l’égalité ?

Laurent Joffrin | 15 Février 2022

Évidemment, les manifestations en voiture ou en camion sont plus visibles que les manifestations à pied. On a fait de la mousse en parlant de centaines de véhicules tentant d’assiéger Paris. Mais si l’on fait le compte, à trois ou quatre par voiture, cela fait au plus quelques milliers de manifestants. Les mêmes cortèges pédestres contre le passe vaccinal n’auraient pas suscité plus d’une brève dans les journaux. Au fond, ce convoi « de la liberté » qui a contourné Paris et frôlé Bruxelles est aussi spectaculaire que minoritaire.

D’autant que ses revendications sont d’une rare confusion. Il s’agit de critiquer le passe – pourquoi pas ?  - mais aussi la vaccination, position obscurantiste, la baisse du pouvoir d’achat, juste mot d’ordre, mais qui n’a guère de rapport avec le passe, et de demander la levée de toute restriction sanitaire, exigence irresponsable. On s’inspire du mouvement canadien. Mais là-bas, les chauffeurs routiers sont obligés de se vacciner, ce qui n’est pas le cas en France.


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Ce qui n’empêche pas de prendre le mouvement au sérieux. Avatar de celui des « gilets jaunes », le mouvement est surtout une nouvelle expression de la détresse des classes populaires. Laissons de côté la protestation « antivax », parfaitement irrationnelle : il y a trois aspects principaux dans la protestation, liés entre eux. La souffrance sociale liée à la stagnation du pouvoir d’achat des plus défavorisés, l’inquiétude devant un avenir bouché pour la génération suivante, le rejet de « ceux d’en haut ». C’est un fait que le pouvoir est trop vertical en France, que depuis des décennies, le pouvoir d’achat des plus défavorisés stagne quand celui des favorisés augmente beaucoup et enfin que l’ascenseur social est bloqué et que les familles des classes populaires ont perdu l’espoir de voir leurs enfants vivre mieux qu’elles.

Le paradoxe est que la gauche l’a enfin compris et propose des réformes qui peuvent remédier, progressivement, à cet état de choses : priorité au travail et à sa rémunération ; efforts éducatifs et sociaux pour améliorer l’égalité des chances ; démocratisation de la Vème République. Mais il est bien tard. Les classes populaires se sont inscrites, en grande partie, dans le réflexe « antisystème » et protestataire, avec une forte tentation complotiste. En profitent ceux qui tiennent ce langage : extrême-droite factieuse et populisme de gauche. Le combat est ardu et les vents contraires. Raison de plus pour le mener avec constance et vigueur.

 

 

 

Source image illustration : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Panneaux_E36a_Ain_B14_30_M1_50m_E36b_Rh%C3%B4ne-Alpes_embouteillage_Ferney.jpg

 

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages