La culture joue un rôle fondamental pour réunir la société autour d’imaginaires collectifs et de valeurs communes, pour offrir à chacun sa part de rêve et d’émotion, pour fonder un « droit à la beauté » qui ne soit pas l’apanage des milieux diplômés, pour offrir une expression publique aux sensibilités minoritaires qui ont vocation à concourir au patrimoine de demain. 

Alors que la politique sociale dispense la protection nécessaire à toute personne, la culture, elle, réunit les citoyens, forme les esprits à la découverte, à l’échange, au mélange des formes et des idées, à la création. Les deux politiques sont intimement liées. La réduction du temps de travail libère les classes laborieuses et leur permet d’accéder à la culture. Ce fut la politique de Léon Blum et de Léo Lagrange, de Jean Zay, comme de François Mitterrand et de ses gouvernements. Aujourd’hui contrairement à ce que dit Jean Castex, la question n’est pas seulement de savoir si la culture est un secteur économique qu’il faut défendre, c’est surtout une vision de la société qui échappe aux règles marchande à la rentabilité, et nous fait un peu échapper à notre condition d’homo économicus à laquelle on voudrait nous réduire.

Aucune collectivité ne se remet d’une crise, qui interroge toutes ses certitudes, sans la culture. La culture se définit par tout ce qui différencie de la nature. Les effets économiques et sociaux de la crise sanitaire ne sont pas encore complètement connus (on avance le chiffre d’un million de chômeurs supplémentaires en France). Cette crise présente donc le risque de nous amener à un état de nature sauvage avec une forte augmentation des inégalités et des intolérances, et avec pour seule réponse, la recherche rapide d’une activité productive quel qu’en soit le coût écologique ou social.

Le risque est donc immense, en cas de délaissement de la culture, à un triple titre :

  • Risque pour notre cohésion : perte d’une respiration, perte de rêves, perte de cohésion
  • Risque pour nos talents : perte d’une génération de créateurs, en particulier jeunes
  • Risque économique : car la culture, même si ça n’a pas de prix, c’est près de 3% de notre PIB.

Or, précisément, ce délaissement est en cours (festivals annulés, salles de cinéma à 25% de chiffre d’affaires, quand les GAFA ont vu leurs CA augmenter de 80% au cours du confinement).

Dans la crise que nous traversons, nous avons besoin d’une relance culturelle. Celle-ci développe ce pilier de la vie collective, aussi essentiel que l’activité économique ou la justice sociale, car elle tisse le lien entre les individus qui communient aux mêmes principes de pluralisme, d’ouverture, de nouveauté, d’émotion et de découverte. La culture « fait société ». 

C’est aussi à l’État d’affranchir la culture de la seule logique commerciale et, donc, d’encourager la novation et l’ouverture. C’est à lui de préserver la création française, qui doit échapper à l’uniformité des standards mondiaux et conserver une forme de souveraineté. Il y faut une régulation protectrice et une offre publique de biens culturels qui s’appuie sur de nouveaux outils, telles les plates-formes numériques, à travers un rôle élargi et des moyens nouveaux confiés au service public de l’audiovisuel. Il faut affirmer que la culture est un service public au même titre que la santé ou la justice. Ce service public, ce n’est plus aujourd’hui seulement l’État, qui doit retrouver un rôle de coordination et d’impulsion (revoir l’organisation du ministère de la Culture), mais les collectivités locales qui jouent aujourd’hui un rôle clé, plus important que l’État. Il faut donc redéfinir et resituer le rôle de chacun sous la houlette d’un ministère rénové.