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Débat interdit
Débattre ? Vous n’y pensez pas, ma chère ! Ce serait déchoir, essuyer les critiques du premier venu, se commettre avec des gens qui ne sont pas de notre rang, qui ne sont pas notre genre ! Je parlerai au peuple, voilà tout, et il sera éclairé autant qu’il doit l’être.
Voilà, traduite en termes d’époque, la réponse du monarque élyséen, soumis – quelle barbe ! – à réélection, aux demandes de l’opposition. En langage courant, Emmanuel Macron a annoncé sans cérémonie qu’il ne jugeait pas utile de débattre avec ses concurrents avant le premier tour de la présidentielle. De minimis non curat praetor… Les impétrants de seconde zone feront mumuse entre eux, tandis que Jupiter restera sur l’Olympe des grandes affaires.
À cette fin de non-recevoir, l’intéressé donne deux explications. Aucun président sortant, sous la Vème, ne s’est plié à l’exercice. Alors pourquoi lui ? Il doit, de surcroît, faire face à la crise ukrainienne, alors pourquoi perdre du temps à des rites audiovisuels subalternes ? Le président réunira ici et là une poignée d’électeurs à qui il expliquera son programme, en toute simplicité.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
L’ennui est que ces deux éléments sont précisément deux raisons impérieuses de débattre. Si la Vème est aujourd’hui contestée par une partie de l’opinion, c’est justement en raison de sa dérive monarchique. Une présidence verticale, surplombante, impérieuse : c’est ce qu’on reproche le plus souvent à l’exécutif dans cette République gouvernée par un seul homme. Définir d’emblée deux classes de candidats, les minus habens d’un côté, un chef d’État en gloire de l’autre (alors qu’il est candidat, comme un autre), c’est le meilleur moyen de proroger, de consacrer, de renforcer ces institutions qui incitent si facilement au pouvoir personnel.
Quant à la guerre en Ukraine, outre son cortège de malheurs, elle risque d’avoir sur la politique française un effet pervers : faire réélire sous l’effet de l’émotion un président dont le bilan échappera à tout examen contradictoire et dont le programme sera promulgué tel un édit de Louis XIV, sans qu’un représentant, qu’un opposant, puisse en disputer sérieusement.
Emmanuel Macron pousse son avantage : c’est le jeu politique. La guerre le porte au pinacle, pourquoi se fatiguerait-il ? Il parle avec Poutine, Biden, Schulz et les autres. Pourquoi vaticiner avec Pécresse, Mélenchon ou Hidalgo ? Il court néanmoins un risque : reconduit pour cinq ans, il pourrait bien être ce président élu la première fois « par effraction », selon ses propres termes, et la seconde, par occultation. C’est-à-dire avec une légitimité aussi faible que sa majorité sera forte.
Source image : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/ed/Moon_occultation_of_Venus_encircled.jpg