Darmanin, le mini-Sarkozy - Lettre politique #32

Laurent Joffrin | 24 Novembre 2020

Nicolas Sarkozy, on le sait, est un homme plein de ressources, une personnalité aux mille facettes. Mais il en est une qu’on avait jusque-là ignorée. Sous des pseudonymes transparents, il possède le don d’ubiquité. Ainsi, tandis qu’il ferraille au tribunal contre une escouade de magistrats sous le nom de Paul Bismuth, il officie toujours au ministère de l’Intérieur, cette fois sous le patronyme de Gérald Darmanin.

Camouflage peu efficace : Sarkozy ne perce pas sous Darmanin ; il s’est littéralement cloné place Beauvau. Le parallèle entre les deux carrières a déjà quelque chose de troublant. Le premier Sarkozy a adhéré dès le plus jeune âge au RPR, le deuxième, rebaptisé Darmanin, à l’UMP. Tous deux ont pratiqué des fidélités successives – Chirac, Balladur pour le premier, Bertrand, Fillon puis… Sarkozy et enfin Macron pour le second. Tous deux ont des ennuis avec la justice, même s’ils ont l’art de passer entre les gouttes. Tous deux ont sauté du ministère du Budget à celui de l’Intérieur. Et surtout, une fois installés place Beauvau, ils ont transformé leur fauteuil en tremplin. D’abord par l’usage immodéré des aphorismes martiaux – « on vous débarrassera de ces racailles », « nous passerons la cité au karcher » pour le premier, « l’ensauvagement de la société », « je serai celui qui protège ceux qui nous protègent », nous serons « intraitables » envers le séparatisme, etc. Ensuite par une posture sécuritaire plus préoccupée d’image que de résultats. Sarkozy avait inauguré une « politique du chiffre » dont le résultat chiffré fut mauvais. Darmanin fait voter une loi de « sécurité globale » qui proscrit la diffusion d’images pouvant porter atteinte « à l’intégrité physique ou psychique » des policiers ou des gendarmes, un texte dont on soupçonne qu’il est inapplicable, ou bien, s’il est appliqué, liberticide.

La brutale dispersion des migrants qui voulaient s’installer mardi soir place de la République en donne l’illustration ironique. C’est en visionnant les images dont il voudrait proscrire la diffusion que Gérald Darmanin s’est senti obligé de les déclarer « choquantes » et de demander un rapport sur d’éventuelles fautes policières. Il est heureux, somme toute, que sa loi ne soit pas encore adoptée : grâce à leur diffusion, il a pu faire preuve d’un peu d’humanité…

Tel est le mini-Sarkozy, conforme à son modèle : un mélange d’esbroufe et de répression, au service d’une ostensible ambition. Ce qui pose un problème plus général. Emmanuel Macron avait mené sa campagne au nom d’un libéralisme tempéré, en économie comme dans les affaires dites « sociétales ». Au fil du temps, ce libéralisme s’est gonflé en économie et atrophié dans les autres domaines. Entre la répression des gilets jaunes, les débordements policiers divers et variés, l’exercice vertical du pouvoir, le raidissement anti-immigration, la mise en place d’une forme de dictature sanitaire et maintenant la loi sur la diffusion des vidéos dénonçant les fautes policières, le macronisme se change peu à peu en autoritarisme, jusqu’à susciter un malaise dans les rangs mêmes de la République en Marche. Darmanin en est le symbole. Macron en est le responsable.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages