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Donner aux régions la compétence de services locaux de l’énergie
Les mesures de transition énergétique, c’est-à-dire de remplacement des consommations d’énergies carbonées pour les mobilités des personnes comme des marchandises, pour le chauffage et la climatisation de l’habitat et des services comme pour les usages d’appareils ménagers et de bureau, voire pour l’industrie par des énergies non carbonées – électrique ou hydrogène – relèvent de politiques nationales législatives, fiscales, budgétaires, réglementaires. Mais leur mise en œuvre gagnerait à être décentralisée, pour des raisons de pertinence et d’efficacité, vers les collectivités locales, acteurs publics plus proches des consommateurs privés que nous dénommons « consomm’acteurs ».
Si le modèle centralisé adopté par la France depuis le milieu du siècle dernier a indéniablement montré son efficacité pour le développement du système électrique comme le prouvent sa sûreté et sa fiabilité, ainsi que la compétitivité de nos prix comparée à ceux de l’Allemagne par exemple et de la moyenne européenne, assortie d’une garantie d’équité à travers un tarif commun à tout le territoire national (la péréquation), la faiblesse des approches territoriales de l’énergie a cependant conduit à sous-estimer les potentialités en ressources énergétiques des territoires, en efficacité énergétique et à décourager les initiatives locales tandis que les consommateurs sont laissés passifs.
Certes les Schémas Régionaux d’Aménagement Durable et D’Egalité des Territoires (SRADDET), sont maintenant censés décliner la territorialisation des orientations nationales en matière d’énergie à l’échelle de leur territoire. Les Régions se sont vues dotées d’un rôle de chef de file sur le climat et l’énergie consistant à assurer la coordination des collectivités locales sur ces sujets[1]. Les intercommunalités ont également en charge l’élaboration des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), qui décrivent la trajectoire climat de leur territoire et les actions prévues par les acteurs locaux pour s’y inscrire. Elles sont coordinatrices de l’ensemble des acteurs de leur territoire sur ce sujet. Elles ont enfin un rôle opérationnel dans le développement des actions de transition écologique dans leur champ de compétences et peuvent s’appuyer sur des dispositifs contractuels avec l’Etat comme les « Territoires Zéro Déchet » ou encore les Contrats de transition écologique (CTE).
Pourtant si les différentes lois de décentralisation ont ainsi donné aux régions, aux métropoles et aux intercommunalités la responsabilité d’élaborer ces plans énergie-climat, les dispositions restent floues concernant leurs compétences opérationnelles sur l’énergie. Aussi nous plaidons pour engager la mise en place de services publics régionaux de l’énergie.
Le choix de la responsabilité régionale, plutôt que celles du département ou plus réduite de la Communauté de communes, a l’avantage d’associer :
- des territoire ruraux, propices à des productions décentralisées hydrauliques, éoliennes ou photovoltaïques mais où les coûts de distribution par habitant sont plus lourds en raison de la dispersion de l’habitat,
- à des territoires urbains, où la densité de population est plus forte, donc les coûts de distribution plus faibles, mais où les potentialités de productions par EnR décentralisées sont faibles,
- et permet de faire jouer significativement les complémentarités et solidarités rural-urbain et la péréquation des coûts.
Chaque région devrait installer de tels services à une maille correspondant à un ou plusieurs territoires de schémas d’organisation territoriale (SCOT) ou PETR, selon l’importance de ceux-ci et selon la configuration des réseaux d’électricité et de gaz, conduisant à plusieurs services de l’énergie par région, sauf probablement la Corse. Ce sera à décider par chaque région en discussion avec les collectivités concernées.
Ces services auront la forme juridique d’une entreprise publique au capital de laquelle participeront en position majoritaire, outre la région, les principales intercommunalités, voire les départements concernés ; un partenariat organique devrait sans doute être organisé avec l’un des producteurs historiques que sont EDF pour l’électricité, voire Engie pour le gaz, ainsi qu’avec les Syndicats d’énergie départementaux.
Il ne saurait être question que ces services régionaux développent par eux-mêmes à l’amont toute la production d’énergie nécessaire aux consommateurs de leur ressort. Ils devront s’approvisionner auprès d’un ou plusieurs producteurs existants qui pourrait être, sans exclusivité, EDF – lequel trouvera là un moyen de fidéliser sa clientèle –, voire d’Engie et des concurrents d’EDF sur le marché de gros, mais tout aussi bien des producteurs locaux d’EnR décentralisées. Ils opéreront pour ce faire par appels d’offres.
Ils auront également visibilité sur les projets d’EnR susceptibles de se développer sur leur territoire – éolien, photovoltaïque, agrivoltaïque, petite hydraulique connectés aux réseaux locaux de distribution, sur les potentialités d’élaboration de « smart grids » ou « réseaux intelligents », les prodigieuses potentialités du numérique et de la connectivité, demain la disponibilité d’hydrogène pour stocker de l’énergie et la délivrer, soit sous forme électrique par des piles à combustibles, soit en force motrice par combustion, etc. Ces perspectives ouvrent de multiples opportunités pour des sociétés de services de toutes sortes.
Ces services régionaux seront responsables, à l’aval, de la fourniture d’électricité aux clients – particuliers et TPE –, soit aux tarifs réglementés, soit éventuellement à des tarifs plus concurrentiels. Ils seront, en partenariat avec les départements, pour le conseil des bénéficiaires de chèques énergie sur les dispositions à prendre avec les aides publiques disponibles pour les sortir de la précarité énergétique et surtout en partenariat avec les inter-communalités, pour le conseil aux petits consommateurs dans l’abandon des énergies carbonées au profit de l’électricité voire, pour certains usages, de l’hydrogène ou autres énergies propres, comme pour la gestion économe de leur consommation par leurs actions en :
- urbanisme durable
- résorption des îlots de logements « passoire thermiques » et construction en contrepartie de logement neufs bien isolés et bien chauffés,
- mode de chauffage et climatisation par pompe à chaleur,
- gestion des aides publiques pour l’isolation thermique des bâtiments,
- équipements PV sur toiture,
- développement de projets d’EnR décentralisées se connectant sur le réseau d’Enedis,
- installation de bornes de recharges de véhicules électriques chez les particuliers, voire valorisation des capacités de stockage ainsi disponibles,
- solutions de mobilités douces en liaison avec les autorités organisatrices de la mobilité (AOM)
- bornes publiques de recharge sur des emplacements publics, en partenariat avec les Syndicats départementaux de l’énergie,
Notons à cet égard qu’un nouveau métier émerge : celui d’interagir avec les systèmes du client, son chauffage, sa production ou ses moyens de stockage. On pourrait envisager que le commercialisateur d’électricité, avec l’appui des collectivités locales concernées, se positionne sur ces nouveaux services au client pour optimiser la demande de celui-ci. À cet égard, la mise en place de services régionaux de l’électricité donnerait un cadre pertinent pour développer cette offre. De telles sociétés de services se sont multipliées dans toutes sortes de niches d’activité et rompent heureusement avec le modèle centralisé, hérité de la nationalisation d’EDF.
Auteur : Jacques Roger-Machart
[1] Issu de la loi NOTRE de 2015, le SRADDET « fixe les objectifs de moyen et long terme sur le territoire de la région en matière, notamment, de maîtrise et de valorisation de l’énergie, de lutte contre le changement climatique et de pollution de l’air. Les SCOT doivent prendre en compte les objectifs fixés par les SRADDET et être compatibles avec les règles générales du SRADDET, qui définissent un certain nombre de lignes directrices d’aménagement et de conduite du développement durable dans l’espace régional.