Dupond-Moretti, Macron, Sarkozy

Laurent Joffrin | 04 Octobre 2022

Ils restent, donc. Tous deux mis en examen pour « prise illégale d’intérêt », Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, et Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, ne démissionnent pas. Mieux : dans l’esprit du président – et de la macronie – la question ne se pose même pas. Emmanuel Macron, par deux fois, tout comme son Premier ministre Édouard Philippe, avaient pourtant édicté une règle inverse. Aussi bien, cette jurisprudence, inaugurée par Pierre Bérégovoy en son temps, avait été respectée largement jusque-là, notamment sous le quinquennat Hollande. Vérité en deçà de la réélection, erreur au-delà…

On dira que Kohler n’est pas ministre. C’est exact : il occupe un poste nettement plus important que la moyenne des membres du gouvernement. Quant à Dupond-Moretti, il clame son innocence et fait valoir qu’il s’est « déporté » des décisions judiciaires le concernant comme avocat, où il aurait pu intervenir comme ministre. Certes. Mais il est clair que « l’exemplarité », mantra de la majorité pendant les campagnes, est désormais à géométrie variable.

Pourquoi protéger ainsi Dupond-Moretti, grand donneur de leçon qui se met en position d’en recevoir ? Macron n’aime pas être mis sous pression et considère sans doute que les juges n’ont pas à interférer dans des nominations à des postes politiques. Mais à ce compte-là, les précédents ne valent plus rien et la règle est de facto caduque. Peut-être considère-t-il que le Garde des Sceaux, poids lourd du gouvernement, doté d’une faconde et d’une agressivité utiles dans les polémiques, est un atout politique précieux. Ce qui n’est pas démontré : aventuré dans une élection, le ministre a fait un flop retentissant.


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Les mauvaises langues suggèrent une raison plus obscure. Dupond-Moretti est un ennemi des magistrats en général, mais en particulier de ceux qui ont poursuivi de leurs assiduités Nicolas Sarkozy. Or dans le jeu macronien, l’ancien président est une pièce importante. En entretenant avec le président de bonnes relations au vu et au su de tous, en prenant ses distances avec son ancien parti, en refusant de soutenir sa candidate, Valérie Pécresse, à la présidentielle, Sarkozy a affaibli la droite d’opposition au profit de la droite du gouvernement. Renfort appréciable… Sarkozy compte-t-il en retour sur des coups de pouce judiciaires, dont Dupond-Moretti serait le relais ? Supposition à ce stade. Mais la question se pose…    

 

Crédit photo :  www.mediapart.fr


Et aussi

 

Le rapport entre Sandrine Rousseau et la vérité est décidément élastique. Mise en cause de plus en plus nettement pour avoir porté contre Julien Bayou des accusations graves sans apporter ni preuves ni précisions, l’écologiste accuse à son tour Libération d’avoir publié sur ce sujet une enquête « très problématique » en révélant qu’un petit groupe d’ex-compagnes de Bayou l’avaient mis sous surveillance. Or la simple lecture de l’article montre que le journal n’a rien inventé et s’est contenté de citer certaines des protagonistes de cette affaire, en respectant les règles d’une enquête journalistique. De même la députée a affirmé péremptoirement – dans la même intervention médiatique - que Laurence Rossignol, socialiste, avait été sifflée à la manifestation de soutien aux femmes iraniennes, ce qui tendait à relativiser la bronca suscitée par sa propre intervention lors de la même manif. Or Rossignol a aussitôt démenti, en offrant de montrer une preuve vidéo. Il faut libérer la parole des femmes, à coup sûr. Mais aussi vérifier celle de Sandrine Rousseau.

 

Ce qu’on pressentait est désormais confirmé par le vaste sondage réalisé par Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et le Cevipof : la guerre en Ukraine et, à un moindre degré, le Brexit, ont renforcé le sentiment pro-européen. Ils étaient 40% en 2014 à juger que l’Union européenne était une « mauvaise chose », le chiffre est tombé à 24%. Vladimir Poutine aura plus fait pour la cohésion européenne en six mois que des décennies d’argumentation en faveur de l’Union…    

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages