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France-Maroc : pyromanes en tenue brune
Cruelle déception pour les Cassandre de l’extrême-droite : la célébration de la victoire des bleus a donné lieu, pour l’essentiel, à des manifestations pacifiques et festives. Des incidents ont eu lieu, ici et là, fort condamnables, mais en nombre marginal en regard de la masse des supporters des deux équipes sortis dans les rues, qui ont le plus souvent fraternisé dans la bonne humeur. Terrible perspective : les mêmes risquent même de soutenir comme un seul homme – ou une seule femme – l’équipe de France opposée à l’Argentine dimanche. Ainsi le « vivre-ensemble » qu’on dénigre sans cesse dans les milieux bruns pour annoncer à mots à peine couverts une prochaine guerre civile, se manifeste soudain en cette fin de coupe du monde. Horresco referens…
Les célébrations de mercredi soir ont en revanche mis à jour un phénomène nouveau : dans plusieurs villes, on a noté la présence de groupuscules de l’ultra-droite animés de toute évidence d’intentions violentes. Comme le relève l’Obs, citant une source policière, un groupe de 40 personnes proches de l’ultradroite, qui s’apprêtaient à rejoindre les Champs-Élysées à Paris à l’issue de la demi-finale, a été interpellé lors d’un contrôle dans le 17e arrondissement, notamment pour port d’armes prohibées et « groupement en vue de commettre des violences ». « Ils voulaient clairement en découdre sur les Champs », a-t-on ajouté de source policière. Plusieurs milliers de supporters étaient également réunis dans le centre de Nice. Des tirs de mortiers d’artifice ont été tirés et, selon le Figaro, des hommes encagoulés ont poursuivi en courant des supporters marocains en criant : « dehors les Arabes », « on est chez nous ». La ville de Lyon a été le théâtre de scènes de liesse et de concerts de klaxons. Selon une source préfectorale citée par l’Obs, peu après la fin du match, « un groupe de jeunes d’extrême droite s’est rapproché des supporters rassemblés sur la place Bellecour. Il y a eu une rixe et la police est rapidement intervenue pour repousser le groupe et le suivre ». Après les « black bloc », les « brown bloc ».
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Ces incidents sont marginaux, certes, mais ils jettent une lumière différente sur les débordements observés ces derniers jours. Une minorité violente s’est manifestée à la faveur des défilés de supporters marocains, chacun a pu le constater. Ces exactions traduisent le préoccupant manque d’intégration d’une frange de la jeunesse immigrée regroupée dans les quartiers populaires ; la gauche, entre autres forces politiques, aurait grand tort de les négliger. Le phénomène se double néanmoins d’une autre tendance : l’irruption dans ces manifestations d’activistes de l’ultra-droite, décidés, soit à s’en prendre à des supporters d’origine étrangère, soit, on peut le supposer facilement, à provoquer des heurts que l’opinion attribuera aux immigrés. Zemmour prophétise la guerre civile, anticipation scandaleuse et fantasmatique. Pour lui venir en aide, un certain nombre de militants musclés, apprentis pyromanes, cherchent à provoquer ce qu’ils en désigneront comme les prémisses.
Crédit photo : LaDepeche.fr
ET AUSSI
Le Monde lâche Mélenchon
Tout arrive : la presse progressiste - on rangera Le Monde dans cette catégorie - commence à mesurer l’erreur stratégique qui a mis la gauche sous la coupe de Jean-Luc Mélenchon au sein de la NUPES. Dans un éditorial, le quotidien du soir résume avec retard ce que nous n’avons cessé de souligner dans cette lettre : la domination acceptée des mélenchonistes dans l’Union de la Gauche la handicape gravement. Entre les ambiguïtés de l’affaire Quattenens (après avoir dénoncé hautement tout atermoiement dans la répression des violences faites aux femmes, LFI change de position quand l’un des siens est mis en cause) et la purge menée par le petit groupe qui entoure Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise apparaît de plus en plus pour ce qu’elle est : un mouvement intolérant qui sacrifie sans cesse au cynisme populiste et dont le magistère minorise la gauche. Il était temps de s’en rendre compte.
La liberté selon Musk
Après une longue hésitation, Twitter a suspendu le compte qui retraçait, à partir de données publiques, les allées et venues du jet privé de son propriétaire Elon Musk. Le milliardaire avait pourtant promis, en vertu de ses convictions « libertariennes », de laisser s’exprimer l’étudiant malicieux qui suit à la trace ses pérégrinations aériennes. Changement de doctrine : la liberté totale promise par Musk s’arrête quand il est mis en cause.
Sur le fond, on peut discuter de la légitimité d’un tel suivi personnalisé des trajets d’avion, qui attente à la vie privée. Mais on retombe surtout sur la même aporie : l’intervention des propriétaires sur le contenu de leur propre réseau démontre la tartufferie de leur posture de neutralité. Leur action oblique couverte par un masque de bienveillance a abouti, dans le fonctionnement du média numérique qui irrigue la planète, à privatiser la censure. Tandis que les autres médias sont soumis à la réglementation publique définie par des Parlements élus, Internet obéit aux caprices arbitraires d’une poignée de milliardaires.