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Hors de la gauche réformiste, point de salut - Lettre politique #80
Paradoxal sondage… Les Français ne veulent pas d’un nouveau duel Macron-Le Pen ; mais depuis des mois, ils ne cessent de l’organiser, en tout cas dans les enquêtes d’opinion. Ainsi celle d’IFOP-Fiducial publiée hier dans Le Journal du Dimanche. À travers une kyrielle d’hypothèses, un seul résultat émerge : le RN et LREM sont en tête au premier tour, le président est réélu au second. La gauche est aux fraises et la droite dans les choux, ou vice-versa.
Un an avant l’échéance, dira-t-on, tout peut encore changer. Certes. Encore faut-il agir. Ces enquêtes, c’est leur véritable intérêt, livrent quelques pistes. Pour la droite : Xavier Bertrand, le Petit Chose du Nord qui se voit grand, gagne quelques points d’un sondage à l’autre. Populaire, sécuritaire et régional, il creuse un début d’écart avec ses rivaux, Retailleau, Pécresse ou Wauquiez. Il grignote des électeurs depuis qu’il s’est déclaré, mais il est probable qu’une partie de cet électorat se détourne de sa candidature, en réalisant qu’il ne porte pas le programme social qu’ils espèrent.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Tâche ardue : le président a siphonné une partie de l’électorat conservateur et l’addition des intentions de vote Le Pen et Dupont-Aignan frise les 30%, pour tangenter les 50% au second tour. Où l’on voit que la reconquête culturelle lancée depuis vingt ans par la droite dure, à travers les thèmes de l’immigration, de l’insécurité, de l’identité, préparée de longue main par les intellos néo-réacs, porte ses fruits. Entre ces deux blocs du centre et de l’extrême-droite, Xavier Bertrand met un pied dans la porte. Laquelle reste fort étroite.
La gauche, en revanche, reste enfermée dans son réduit : moins d’un tiers de l’électorat se prononce pour elle. Mais là aussi, quelques pistes se dégagent. Négatives d’abord. Mélenchon continue d’occuper le tapis par ses tonitruants réquisitoires. Il est à plus de 10% quand les autres sont en dessous. Mais il bute sur un obstacle redoutable. Testé par IFOP-Fiducial au second tour, à supposer qu’il y parvienne, il est écrasé par Marine Le Pen qui remporterait 60% des suffrages. Implacable déduction : voter Insoumis au premier tour, c’est se soumettre au RN au second. Un bulletin Mélenchon au premier tour, c’est un bulletin Le Pen au second. Voilà qui devrait faire réfléchir au sein de la gauche radicale.
Jadot n’est guère mieux loti. Quoique sincère, réaliste, militant intelligent et compétent, il est lui aussi battu par la candidate du RN. Il est vrai que ses amis du parti Vert, qui l’attendent au tournant, ne l’ont guère aidé. Entre les « arbres morts » du maire de Bordeaux, la subvention à Erdogan proposée par la maire de Strasbourg, les « rêves des enfants » qu’il faudrait réformer selon la maire de Poitiers, et autres fariboles issues de l’intégrisme vert, on ne pouvait trouver mieux pour entacher une juste cause. Jadot plafonne à 9%, à peine plus s’il est le candidat commun rose-vert. Injuste sort pour un homme intègre et énergique. Il peut toutefois se consoler : son concurrent écologiste, Éric Piolle, émarge à 2%. Une base un peu étroite pour lancer une candidature.
Reste le pôle réformiste. Anne Hidalgo, à la différence des autres impétrants de gauche, résiste au second tour à la montée de Marine Le Pen. Pas assez, toutefois : on la crédite de 49%. Et surtout, elle reste aux alentours de 7% au premier tour, 10-12% si elle rallie les Verts derrière elle. C’est mieux, mais c’est loin du compte. Ces chiffres sont provisoires et elle peut à bon droit remarquer que les enquêtes d’opinion l’avaient notoirement sous-estimée dans l’élection parisienne. Pour le démontrer, elle doit passer de l’impérium parisien à la conquête des régions et à l’incarnation d’un projet national. Pourquoi pas ?
Ce qui nous conduit à cette conclusion : gauche radicale et pureté verte nous envoient dans le mur. Il faut à la gauche un projet réformiste qui rompe avec le cours actuel, qui mette la France sur la voie d’une transformation sociale et écologique, assez crédible pour reprendre à Macron ses électeurs de gauche et retrouver l’oreille des classes populaires. Hors de cette stratégie, point de salut.