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Incroyable : l’Union européenne va mieux - Lettre politique #107
Les bonnes nouvelles sont suffisamment rares sur le vieux continent pour qu’on les néglige. Celle-ci fera grincer une nouvelle fois les dents des prophètes du déclin européen : contre toute attente, l’Union se porte mieux.
C’est l’idée principale qui sous-tend le discours annuel de la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, prononcé avant-hier à Strasbourg. Il s’appuie sur de solides réalités [1].
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Il y a un an retentissait encore le sempiternel lamento sur l’impuissance de l’Union. Inertie face à la pandémie de Covid 19, réaction désordonnée et tardive en matière vaccinale, économie frappée de paralysie par les restrictions sanitaires, récession catastrophique annoncée, chômage massif, inexistence géopolitique, naïveté commerciale, etc. Un an plus tard, la présidente de la Commission peut légitimement souligner que la couverture vaccinale du continent est l’une des meilleures au monde (plus de 70%), que la pandémie est contenue, que l’économie repart en flèche avec une taux de croissance meilleur que celui des États-Unis, que le chômage n’a pas explosé, que le pouvoir d’achat a été maintenu en dépit de la récession de 2020. Mieux : elle souligne que l’Europe a une feuille de route, fondée sur un « Green New Deal » européen (un plan de transition écologique crédible quoiqu’encore insuffisant), sur une politique monétaire intelligente (qui contraste avec celle des années 2007-2015), sur un réalisme commercial et fiscal destiné à mettre fin aux excès du laissez-faire.
Que s’est-il passé ? Une chose toute simple : sous l’empire de la nécessité, l’Europe s’est « francisée » (traditionnellement, la France plaide pour une Europe plus active) ou, plus exactement, elle s’est « social-démocratisée ». Elle a largué les dogmes de l’orthodoxie financière, abandonné les critères de Maastricht, joué la coopération après une phase d’hésitation et conçu une stratégie sociale et écologique.
Très mauvaise comédie anglaise, le Brexit a eu deux vertus. Il a tué le mythe d’une « Europe-prison » confisquant le pouvoir des peuples. Une fois la décision prise par les électeurs du Royaume-Uni, Bruxelles n’a rien fait pour empêcher la Grande-Bretagne de quitter l’Union, négociant seulement une sortie conforme à ses intérêts, ce qui est la moindre des choses. Les électeurs britanniques s’aperçoivent aujourd’hui qu’après cinq années de pandémonium politique très dommageable, ce Brexit appelé à mettre leur pays sur la voie du renouveau n’améliore en rien leur situation et génère mille embarras dont ils se seraient bien passés. On immole le bouc émissaire et on découvre que rien ne va mieux… Du coup, aucun autre pays n’a suivi l’exemple britannique, les souverainistes du continent sont sur le recul, par exemple en Italie et en Allemagne, et les partis nationalistes, en France notamment, évitent désormais de prôner la sortie de l’Union, et même de la zone euro.
Restent bien sûr les innombrables difficultés qui attendent l’Union, incertitude institutionnelle, force des populismes, transition écologique à réussir, faiblesse sur la scène mondiale, dissidence interne de la Pologne et de la Hongrie, défense commune dans les limbes, tensions identitaires, fractures en tous genres. On en parlera une autre fois. L’Europe n’a pas succombé à la pandémie, au contraire. Quand les prophètes de malheur se trompent, il n’est pas illégitime de le remarquer.
[1] On lira avec profit le compte-rendu de cette intervention par Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles.