L’ami des dictateurs

Laurent Joffrin | 09 Août 2022

Curieuse, tout de même, cette manie qu’a Jean-Luc Mélenchon de prendre parti systématiquement pour les dictatures et contre les démocraties dans les conflits qui divisent la planète. Dernier exemple de ces prises de positions extravagantes : sa réaction à la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants, qui a aiguisé l’ancien conflit qui oppose Taïwan à la Chine communiste. Refuge du parti nationaliste Kouo-Min-Tang après sa défaite dans la guerre civile, la grande île de la mer de Chine a développé son économie et libéralisé son régime politique, jusqu’à devenir une démocratie moderne et prospère.

Animés par un nationalisme agressif, les dirigeants de Pékin la considèrent toujours comme une province de la Chine et veulent en prendre le contrôle, alors même que ses habitants ne souhaitent en rien tomber sous la coupe du Parti communiste chinois. Pour réintégrer la Chine dans le jeu international, l’ONU et de nombreux pays admettent – officiellement en tout cas – de considérer Taïwan comme une partie de la Chine. Mais c’est sur la base d’un arrangement non-dit, aux termes duquel il est entendu que l’île pourra choisir son propre mode de gouvernement. Après avoir admis ce statu quo, le régime de Pékin veut maintenant le remettre en question, comme il l’a fait pour Hong-Kong, et exerce une pression diplomatique et militaire croissante. Solidaire de cette démocratie menacée, la démocrate Nancy Pelosi a marqué sa sollicitude en effectuant une visite de 24 heures à Taïwan. Aussitôt, le régime chinois, l’un des plus répressifs de la planète, a déclenché des manœuvres militaires massives, tiré des missiles dans l’espace aérien de Taïwan et fait franchir à ses bateaux la ligne qui sépare en mer les deux pays. Devant cette gesticulation militaire qui fait craindre une agression armée pour mettre fin à l’autonomie politique de Taïwan, que dit le leader de LFI ? Il condamne « la provocation américaine », s’aligne sur la thèse de Pékin qui nie toute légitimité au régime démocratique de Taipeh et reçoit en retour les félicitations de l’ambassade Chine communiste en France ! Autrement dit, il souhaite que la dictature de Pékin l’emporte sur la démocratie de Taïwan.

Ce n’est qu’un exemple de cette étrange dilection pour les tyrans. Depuis longtemps, Mélenchon soutient le gouvernement du Venezuela, fondé sur une tyrannie catastrophique qui a ruiné le pays et provoqué l’émigration de millions de Vénézuéliens. Ce fut encore le cas avec la Russie de Poutine, soutenue avec constance par la France insoumise avant l’agression en Ukraine. Depuis le début de la guerre, LFI condamne verbalement l’agression russe mais « regrette » la livraison aux Ukrainiens des armes qui leur permettent de se défendre, faisant ouvertement le jeu de la Russie, c’est-à-dire d’une ennemie proclamée de la démocratie et donc de la France.  Le groupe insoumis a également refusé de voter en faveur de l’adhésion à l’OTAN de la Suède et de la Finlande. Neutres jusque-là, ces deux pays pacifiques, dirigés par des gouvernements à dominante social-démocrate, constatent l’irruption à leurs portes d’une guerre de conquête menée par Vladimir Poutine, assortie de multiples crimes contre les civils. Ils estiment qu’ils doivent prendre de meilleures assurances contre l’agressivité russe en adhérant à l’Alliance atlantique, de manière à bénéficier du soutien occidental en cas d’attaque contre leur territoire. Qui peut les blâmer, quand le maître du Kremlin rompt avec une brutalité inouïe toutes les lois internationales et lance ses tanks, ses avions et ses missiles contre une nation souveraine au coeur du continent ? LFI invoque le refus de l’escalade. En fait, conformément à la ligne suivie par Jean-Luc Mélenchon depuis des années, les Insoumis se font surtout les auxiliaires du dictateur russe.


La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner


Au total, LFI défend une politique étrangère à l’opposé de nos valeurs, fondé sur une vision du monde dépassée. Pour les Insoumis, l’ennemi principal reste les États-Unis, alors même que c’est l’émergence de deux empires agressifs et expansionnistes, la Chine et la Russie, qui menace l’équilibre géopolitique de la planète. Le danger est à l’ouest, dit Mélenchon : mais les agressions sont à l’est… Comment des partis de la gauche démocratique peuvent-ils cautionner une politique étrangère aussi contraire aux principes démocratiques et nuisible aux intérêts de la France ? Seule la position de LFI sur Taïwan a suscité quelques protestations émanant des écologistes et, moderato cantabile, du PS. Pour le reste, ce ne sont que silences gênés, solidarité contrainte, prises de distance millimétriques et quasi invisibles. Combien de temps la gauche démocratique va-t-elle cautionner par sa pusillanimité les déclarations extravagantes des responsables de LFI ?

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages