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L'appel des 150
L’espoir renaît. Cette gauche qu’on disait faible, désunie, impuissante, vient de remporter des dizaines de mairies et de conquérir plusieurs métropoles. Les lugubres prophètes qui prédisaient son effacement se sont trompés : une alliance scellée par l’impératif écologique et l’exigence sociale a conduit au succès.
Dans un monde déboussolé, sur une planète menacée par la prédation, dans un pays anxieux, fragmenté où le parti de l’abstention est majoritaire, au sein d'un peuple bientôt confronté à une crise sociale terrible, des millions de citoyennes et citoyens ont montré par leur vote qu’ils refusaient de se résigner et qu’ils gardaient le goût de l’avenir.
Mais ce qui a été possible à l’échelle locale ne l’est pas encore au niveau national. Il y faut des conditions : elles ne sont pas remplies. Le scrutin a montré que la droite est encore majoritaire dans le pays ; l’extrême droite peut capter la colère populaire qui ne manquera pas de se lever à mesure que les licenciements et les fermetures d’entreprises se multiplieront ; la nécessaire unité de la gauche, enfin, suppose un programme audacieux pour convaincre mais aussi crédible, pour gouverner, un projet qui ne soit pas l'addition de revendications disparates, mais qui dessine un destin commun. L’union n'est pas la confusion. C'est la réunion d'identités différentes qui ont chacune leur légitimité, sans que l'une d'entre elles s'efface sous le prétexte qu'elle a gouverné.
Allons droit au but, il faut créer, un nouveau mouvement, qui englobe et dépasse les formations de la gauche historique, notamment le PS, et qui rassemble largement autour de lui la jeunesse éprise d’engagement pour la planète, des femmes et des hommes qui veulent que leur combat pour la justice trouve une issue globale à travers une convergence de principes et de valeurs, des entrepreneurs, des militants associatifs ou syndicaux qui savent que la politique est un débouché nécessaire. Un mouvement qui reconnait à la jeunesse sa capacité à construire le présent pour protéger l’avenir.
La gauche a besoin de cette force centrale qui fait de l’écologie, de la culture et de la participation les conditions essentielles du contrat social, qui place la protection de l’environnement et l’accès aux droits au cœur de l'action publique, qui donne à l’Etat tout son rôle pour réorganiser notre économie, qui fasse de la solidarité un impératif catégorique. Une force qui s’adresse à toute la diversité du peuple français, unie par les valeurs de la République, concrètement mises en oeuvre.
Sans cette force, la gauche et les écologistes se perdront dans de vaines manœuvres pour écarter l’un ou promouvoir l’autre autour de propositions incantatoires. Sans elle, nous aboutirons à une candidature de témoignage qui laissera le pouvoir au libéralisme, au conservatisme, ou aux deux à la fois.
Le sauvetage de la planète est prioritaire, mais la question sociale, surtout dans la période qui s’ouvre, restera centrale.
Car l’égalité n’est pas un objectif parmi d’autres. Elle est la condition de tous les autres. Sans elle, ni les classes populaires, ni les jeunes de nos quartiers, et pas davantage les oubliés de nos territoires notamment les outre-mer, ne rallieront une union aussi artificielle que bancale. Sans elle, la mutation écologique butera sur l’inquiétude légitime des Français pour leur pouvoir d’achat, leur emploi et l’avenir de leur économie. Sans elle, l’union nécessaire autour des valeurs républicaines de laïcité et d’égalité ne se fera pas et les identités dont on attise la rivalité entretiendront une suspicion mutuelle.
Si rien ne change, la prochaine échéance se résumera à une compétition entre les porte-parole de la colère et les tenants d’une écologie réduite à un parti, sous l’œil des derniers socialistes accablés par la mauvaise conscience. Dans un scrutin perdu d’avance la gauche sera éliminée dès le premier tour et, au second, contrainte d’appeler piteusement à faire barrage au Rassemblement national pour laisser cinq ans de plus un libéralisme autoritaire diviser le pays.
Encore suppose-t-on la victoire mécanique d’un front républicain rafistolé à la hâte. Mais il faut en être conscient : à la faveur de l’abstention, en jouant des anxiétés et des fantasmes, l’extrême-droite peut aussi l’emporter.
Faut-il se résigner ? Non !
La gauche qui agit, la gauche qui gouverne, doit se rénover sur la base de ses valeurs, celles qui ont inspiré dans l’histoire le mouvement socialiste. Elle doit se refonder à partir de la société, réinventer sa doctrine et son programme pour relever les défis d’aujourd’hui.
Il s’agit de changer radicalement l’orientation de l’économie pour garder une planète vivable, mais en en promouvant une écologie rationnelle fondée à la fois sur les apports de la science et le respect des équilibres naturels.
Il s’agit de chercher une croissance écologique, des activités utiles et des économies d’énergie pour créer les emplois et financer la solidarité.
Il s’agit de replacer la question sociale au cœur de la politique en luttant résolument contre les nouvelles inégalités qui ont fractionné le salariat.
Il s’agit de faire de la révolution numérique un progrès des libertés, protégé des dangers d’une vie mise en algorithmes et soumise à une surveillance digne d’Orwell.
Il s’agit de réorienter le projet européen autour d’une nouvelle donne énergétique et écologique.
Il s’agit de restaurer la souveraineté économique des peuples en recourant à la planification et à l’investissement public, outils de la gauche.
Il s’agit d’assurer la sécurité avec un Etat républicain respectueux de l’état de droit et de la laïcité.
Il s’agit d’offrir un débouché au mouvement féministe qui bouscule l’ancien patriarcat en assurant une parité réelle à tous les niveaux de responsabilité.
Il s’agit, par une politique volontaire, de mettre fin aux discriminations qui frappent les minorités.
Il s’agit enfin de réhabiliter l’action politique autour de la nation qu’on ne saurait abandonner aux nationalistes et en décuplant la consultation citoyenne dans l’Etat, dans les collectivités locales, comme dans l’entreprise.
Nous appelons donc toutes celles et tous ceux qui partagent cette vision à nous rejoindre. Alors nous lancerons le processus qui passera par la réunion d’assises sociales et écologiques, dont le caractère transparent, et participatif sera garanti.
Les adhérents de ce mouvement choisiront ensuite leurs représentants et élaboreront à partir des contributions de tous, le projet de transformation qui manque à la France et qui devra trouver son incarnation en 2022.