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L’emprise de Zemmour - Lettre politique #121
C’est l’automne de la droitisation… Après la martiale fanfare de Zemmour, dont les provocations tonitruantes donnent le la, chacun se croit obligé de jouer sa propre partition réactionnaire. La droite LR marche à l’unisson, avec une grosse caisse xénophobe pour Ciotti, un trombone sécuritaire pour Bertrand, des cymbales anti-immigration pour Pécresse et Barnier.
Le lendemain, Emmanuel Macron reste dans la même tonalité, quoique moderato cantabile sur les questions régaliennes, mais clairement accordées au conservatisme libéral en matière sociale. Jusqu’au pauvre Montebourg, dont le coup de trompette fêlée sur les transferts d’argent des immigrés suscite un concert d’indignation à gauche et l’oblige à se mettre piteusement en sourdine.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
C’est le système politique dans son ensemble qui subit une fatale attraction vers l’extrême-droite et change les formations jusque-là républicaines en partis de Panurge entraînés dans la surenchère. Ciotti, tel un Dupont d’Hergé, répète le catéchisme de Zemmour avec le classique exergue « et je dirai même plus… » ; Barnier l’européen annone un moratoire sur l’immigration exactement contraire aux normes européennes ; Pécresse dit qu’elle n’est pas d’accord mais précise aussitôt qu’elle propose des choses semblables ; Bertrand, lauréat du concours Lépine de la justice, veut donner aux procureurs le pouvoir de prononcer des sanctions pénales, ignorant apparemment que chacun a droit, en France, à un procès contradictoire. Aucun, surtout, n’a le courage de dire qu’une droite républicaine, pour rester elle-même, devrait récuser sans ambages, comme l’avait fait Chirac avec le père Le Pen, les propos nationalistes, sexistes, discriminatoires et xénophobes de Zemmour.
Le lendemain, sous couvert d’allocution solennelle et présidentielle, Emmanuel Macron se lance dans la campagne pour un discours en même temps de droite et de droite, annonçant, entre autres, des sanctions contre ces chômeurs qui ne veulent même pas « traverser la rue », comme s’ils étaient légion, et un report de l’âge légal de la retraite qu’il avait récusé depuis cinq ans. Le tout précédé du couac Montebourg, mal camouflé ensuite par de contrites excuses, ce qui démontre la vraie nature du souverainisme, dont la logique le rend incompatible avec les valeurs de gauche. Symphonie en réac majeur…
Dans cette ambiance fétide, que doit faire la gauche ? Certainement pas suivre une pente symétrique en se radicalisant : c’est le meilleur moyen de laisser l’électorat incertain chez Macron, faute de mieux, ou de faciliter son basculement à droite. Ce serait un passeport pour la défaite. Non : la gauche sérieuse doit rester elle-même, camper sur ses valeurs pour en donner une traduction programmatique crédible. Oui, la France doit rester une terre d’accueil, fidèle à ses engagements humanistes fixés en 1793 suivant lesquels le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » mais qu’ «qu’il le refuse aux tyrans ». Oui, cet accueil doit se faire dans le respect des règles, et notamment celles de l’asile, et s’accompagner d’une politique exigeante d’intégration, par l’école et par le travail. Oui, la gauche doit proposer une politique de sécurité efficace, mais respectueuse des libertés publiques et des principes du droit. Oui, elle doit affirmer son exigence de justice sociale, face à un nouveau politiquement correct qui considère que les riches doivent toujours être plus riches, et que l’augmentation des bas salaires serait une charge insoutenable pour notre économie. Oui, elle doit mettre au centre de la campagne la principale question des années à venir, la mutation sociale et écologique, fondée sur la maîtrise de l’économie de marché, qui sera la grande affaire du siècle. Hors de cette politique, qui découle de ses convictions essentielles, c’est la contagion zemmouriste, dure, moins dure ou subreptice, qui l’emportera.