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L’endettement étudiant, la nouvelle idée folle du candidat Macron
Emmanuel Macron commence à dévoiler les propositions de son futur programme présidentiel, et dessine sans complexe un virage bien à droite pour son second mandat. Après avoir annoncé sa volonté de réduire l’impôt sur les successions, impôt qui touche aujourd’hui essentiellement les patrimoines élevés en ligne directe, puisque 60% des français ne paient aucun droit de succession, il affiche désormais sa volonté d’augmenter les frais de scolarité à l’université. « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ».
Un Enseignement supérieur loin d’être gratuit
Cette idée que l’enseignement supérieur est « quasiment gratuit » a pu surprendre beaucoup de Français qui, outre les frais d’inscription à l’université (170€ en licence ; 243€ en master), paient souvent le logement de leurs enfants dans les grandes villes (en moyenne 550€ par mois). Rappelons aussi qu’un tiers des boursiers touchent moins de 100€ par mois et que seuls 6% des étudiants ont accès aux logements étudiants du CROUS. Souvenons-nous des files d’étudiants devant les restaurants du cœur pendant l’épidémie, alors que les 50% des étudiants qui travaillent en parallèle de leurs études avaient perdus leurs petits boulots. Les étudiants et leurs parents n’ont pas probablement pas le sentiment que les études supérieures sont « gratuites ».
Alors bien sûr, le projet du Président Macron reste flou, et l’augmentation des frais d’inscription projetée ne touchera-t-elle finalement pas les enfants des classes moyennes et populaires.
L’endettement étudiant pour tous, la nouvelle idée pour plus d’inégalités !
On peut néanmoins en douter. Le discours du Président Macron fait écho à la publication en avril d’un rapport de l’Institut Montaigne sur la réforme de l’université, qui proposait notamment de multiplier par 6 les frais d’inscriptions pour tous : « de 170 € à 900 € en licence et de 243 € à 1 200 € en master ». Aucune modulation en fonction du revenu des parents dans ce rapport.
Ce rapport proposait, pour les étudiants les plus modestes, de développer les prêts. Une mesure déjà portée par Stanislas Guérini, délégué général de la République en Marche, en janvier 2021.
Quoi de plus inégalitaire que de prôner l’endettement des enfants des classes moyennes et populaires pour accéder aux études supérieures ? Faut-il qu’ils apportent ainsi une preuve plus forte que les enfants des familles les plus riches de leur motivation ?
Aux États-Unis, où l’endettement des étudiants est entré dans les mœurs depuis bien longtemps, les jeunes actifs doivent en moyenne 32 000 dollars. Cette somme en augmentation constante (+20 % depuis 2016, selon la Réserve fédérale) représente un sérieux obstacle pour démarrer sereinement dans la vie : les banques rechignent à accorder de nouveaux prêts à ces clients pour l’achat d’un logement ou d’une voiture. Et nombre de jeunes ne peuvent pas non plus compter sur leurs parents, dont certains remboursent encore leurs propres études ou ont emprunté pour financer le cursus de leurs enfants, 37 000 dollars en moyenne dans le cadre de prêts fédéraux prévus à cet effet.
Une université renforcée, oui, mais pas aux frais des étudiants !
L’université est un levier essentiel d’ascension sociale, bien qu’encore imparfait : moins de 30 % des enfants issus de familles modestes accèdent à l’enseignement supérieur, contre près de 90 % parmi les plus aisés.
L’augmentation de frais d’inscription est-elle nécessaire pour améliorer la qualité des enseignements et le suivi des étudiants ? Tout d’abord, la France dépense à peu près autant que ses partenaires européens pour l’université, mais moins que la Norvège ou le Danemark. Surtout, la dépense par étudiant baisse tendanciellement depuis 2010. Alors que les effectifs étudiants ont augmenté de 20 % à l’université entre 2010 et 2020, le nombre d’enseignants diminuait de 2 %. La faiblesse du taux d’encadrement des étudiants en première année explique probablement le fort taux d’échec.
Et si on augmentait les droits de succession sur les gros héritages pour financer une université digne de ce nom ?
Espérons en tous cas que le candidat Macron, après avoir fait campagne contre la rente en 2017, ne devienne pas en 2022 le candidat des enfants de rentiers.
Image d'illustration : Droits d'auteur : CC Ludovic Godard - UFC