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L'UNEF piège la gauche - Lettre politique #75
Des députés de droite demandent la dissolution de l’UNEF, le syndicat étudiant qui a relayé la dénonciation publique de deux enseignants de Grenoble pour « islamophobie », tandis que le ministre Jean-Michel Blanquer assimile au « fascisme » les réunions « non-mixtes » organisées par sa direction. Du coup, hier, une pléiade d’anciens militants dudit syndicat, dont plusieurs leaders de la gauche, s’insurgent contre ces attaques et proclament leur fidélité à l’organisation de leur jeunesse, quand bien même ils seraient en désaccord avec ses actuelles pratiques.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Soyons francs, ce ballet bien réglé ne sert en rien la clarté des débats et encore moins la gauche. À l’outrance des propos de la droite et de LREM répond une réaction pavlovienne de solidarité avec la direction de l’UNEF. Ainsi la gauche, aux yeux de l’opinion, se retrouve piégée : pour contrer des attaques qu’elle juge exagérées, ces signataires semblent avaliser des comportements syndicaux dont le moins qu’on puisse est qu’ils sont problématiques. Alors même que, selon toutes probabilités, une grande majorité des gens de gauche réprouvent les errements de l’UNEF.
Les signataires rétorqueront qu’ils veulent rester loyaux envers une organisation qui a mené en son temps des combats valeureux, contre les guerres coloniales, l’archaïsme de la société ou la sélection sociale à l’université. Certes. Mais la fidélité envers la gauche et ses valeurs aurait dû, d’abord, et précisément, conduire à la condamnation des comportements actuels du syndicat, bien avant que la droite et les macronistes n’en fassent un objet de propagande.
En quoi la mise au pilori numérique de deux professeurs coupables d’exercer leur sens critique est-elle conforme aux valeurs de la gauche ? Alors que celle-ci défend, et doit défendre, jusqu’à preuve du contraire, la liberté d’expression et la liberté d’enseigner ? Ces deux professeurs contestent l’assimilation de « l’islamophobie » au racisme, dans la mesure où il s’agit de critiquer une religion, chose légale et admise, et non de tenir des propos discriminatoires envers des individus, ce qui est un délit. Du coup ils sont traités de racistes et même de « fascistes », selon la même méthode que Jean-Michel Blanquer, mais avant lui. Comment un syndicat étudiant de gauche peut-il relayer d’aussi dangereuses inepties ? Et pourquoi la gauche devrait-elle, surtout, se rallier à une terminologie qui vise à rendre la religion intouchable et qu’emploient systématiquement les mouvements intégristes ?
De la même manière, croit-on que l’organisation de réunions « non-mixtes », seraient-elles peu nombreuses, soit conforme aux principes élémentaires de l’antiracisme ? Depuis quand la séparation des races figure-t-elle dans la culture politique d’une gauche qui a toujours combattu l’essentialisation des individus ? L’obsession identitaire voudrait les renvoyer à leur origine, indépendamment de ce qu’ils font ou pensent : toute gauche conséquente devrait combattre semblable dérive. Au lieu de cela, entre la complaisance, le silence ou la solidarité automatique, certains perdent le sens de l’égalité et de la tolérance et offrent sur un plateau un magnifique instrument de propagande à la droite et à l’extrême-droite.