La lettre de Laurent Joffrin #2 - Mon nom est Person

Laurent Joffrin | 23 Septembre 2020

Mon nom est Person

Le vice-président du mouvement En Marche démissionne de son poste. Le parti majoritaire, dit-il, « n’est pas en mesure d’affronter la nouvelle étape du quinquennat » et « ne produit plus d’idées ». Il s’appelle Pierre Person. Consonance irrésistible : jusqu’à maintenant, ce Person n’avait guère convaincu qu’il était quelqu’un et non personne. Mister Nobody ? Pas tout à fait : il est député de Paris et ancien chef des jeunes macroniens. Mais en dépit de ce CV qui en vaut un autre, Person n’avait pas percé. En démissionnant, il laisse un vide qu’il n’avait pas comblé auparavant. On pense au mot de Churchill à propos de son adversaire travailliste en 1945 : « une voiture vide s’arrête devant le 10 Downing Street. Clement Attlee en sort. » Au fond, Person devient quelqu’un en disparaissant. Et tel un trou noir dans la galaxie macronienne, il attire dans le néant d’autres dirigeants LREM, qui ont démissionné à sa suite.

Cette non-existence n’est pas fortuite. En fait, Person le fantôme codirige un parti zombie. Il vient de s’en rendre compte, ce qui dénote une forme de lucidité, qui est aussi celle de Marie Tanguy, ex-plume macronienne qui vient de s’épancher dans un livre redoutablement titré « Confusions ». Si LREM avait à sa tête un spectre, c’est surtout parce que ce mouvement était, avant tout, un hologramme : sans doctrine, sans idéologie, sans épaisseur et, pour tout dire, comme l’avoue Person, sans idées. Ou plutôt, il n’en avait qu’une : porter Emmanuel Macron au pouvoir. Une fois la chose faite, il n’avait plus d’utilité. C’était une boutique éphémère.

Pourtant l’effacement de Person reste un petit événement politique. Il confirme la décomposition de LREM, dont la composition était déjà claire comme une soupe à l’eau. Forme sans substance, le mouvement a démontré son inexistence lors des municipales, sa vacuité dans les dernières partielles, son absence pendant la crise sanitaire, quand toutes les impulsions, les palinodies, les volte-face, sont venues de l’Elysée. Pour le parti majoritaire, COVID, décidément, rime avec vide.

Reste Macron, général sans troupes et sans stratégie, sinon celle de se maintenir au pouvoir. Il ne gouverne pas, il siphonne : la gauche dans un premier temps, grâce à son vernis de modernité et de social, la droite ensuite, grâce à une politique mi libérale, mi autoritaire. Comme le dit Boris Vallaud, socialiste aigu, Macron exprime les intérêts du petit quart des Français qui bénéficient peu ou prou de la mondialisation. C’est une minorité dans le pays. Mais dans une élection présidentielle, cela représente 20 à 25% de l’électorat, qui soutiennent toujours le président, sans avoir besoin d’un parti pour s’exprimer. Autrement dit, c’est un passeport pour le second tour. A moins qu’une force crédible, à gauche par exemple, se dresse contre lui et rassemble son camp. C’est l’enjeu des mois qui viennent.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages