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La lettre politique de Laurent Joffrin #6 - Eric Dupond-Sarkozy
Très colère, les robins. Les magistrats du tribunal de Paris viennent de voter une motion incendiaire contre leur ministre Eric Dupond-Moretti. La protestation fait suite à beaucoup d’autres émanant de l’appareil judiciaire, qui se dresse vent debout, ses principaux syndicats en tête, contre l’ancien avocat propulsé place Vendôme. Motif de ce mécontentement général : le ministre a diligenté une enquête contre trois juges du parquet financier dans une affaire où il est partie prenante, ce qui constitue un évident conflit d’intérêts. Comme on l’a déjà écrit, le garde des Sceaux se retrouve dédoublé : il y a Dupond et Moretti. Dupond attaque des magistrats qui ont eu maille à partir avec… Moretti. Confusion des genres et soupçon de règlement de comptes.
Les magistrats voulaient à l’époque comprendre comment Nicolas Sarkozy avait été informé d’une écoute judiciaire placée sur un téléphone mobile, par lui utilisé sous le nom de Paul Bismuth : ils ont fait relever les appels de plusieurs avocats de renom, dont l’actuel ministre, qui a poussé les hauts cris et porté plainte, avant de se désister le jour de sa nomination… Le conflit d’intérêts est patent et le seul moyen de s’en sortir, aujourd’hui, serait que Moretti, ancien plaignant, ne soit pas Dupond, accusateur et instigateur des poursuites. Mais comme les deux se confondent tels Jekyll et Hyde, la solution serait une démission. Sage pour la démocratie, peu envisageable en l’espèce.
A long terme, la lancinante question de l’indépendance du parquet revient sur la table. Elle suppose une révision constitutionnelle. Avec cette nuance : dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’une enquête administrative, dont le propre est d’être diligentée par les services. Il faudrait alors que ces enquêtes soient l’apanage du Conseil supérieur de la magistrature, organe indépendant. Réformes à méditer…
L’affaire, il faut le craindre, dépasse la simple question du conflit d’intérêt. Depuis qu’il est mis en cause, Nicolas Sarkozy ne cesse de dénoncer « l’acharnement » du parquet financier contre lui. En jetant le soupçon sur le même parquet financier, Dupond-Moretti lui rend un fier service. L’ancien président aura beau jeu de crier au complot et de fustiger des juges désavoués par leur propre ministre.
Du coup, faut-il voir dans la nomination de Dupond-Moretti un simple « coup » médiatique, consistant à faire entrer au gouvernement un avocat vedette ? Il y a peut-être autre chose. Dans le dispositif politique de la macronie, Nicolas Sarkozy joue un rôle important. Très influent dans la droite, il peut, s’il le souhaite, favoriser un rapprochement entre LR et LREM, freiner une candidature, en favoriser une autre. Suscitée par le pouvoir, l’opprobre jetée sur le parquet financier pourrait l’inciter à la bienveillance. Hypothèse à ce stade… Mais si elle se vérifiait, celui qu’on a surnommé « acquittator » pourrait gagner un nouveau sobriquet : Eric Dupond-Sarkozy.