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La NUPES contre la gauche
Le débat sur la NUPES, qui agite les partis de gauche depuis l’origine, est mal posé. On croit – ou on feint de croire – qu’il oppose les partisans de l’union, les pro NUPES, à ceux de la désunion, les anti NUPES. Rien n’est plus faux : ceux qui critiquent cette alliance ne veulent pas la division ; ils réclament seulement une autre forme d’alliance. Nuance…
Négociée sur la base des rapports de force issus de la présidentielle, la NUPES, chacun le constate tous les jours, est dominée par LFI. C’est Jean-Luc Mélenchon qui pèse le plus sur la stratégie commune, ce sont les Insoumis qui orientent l’opposition de gauche au Parlement, ce sont leurs propositions qui sont le plus souvent mises en avant dans les médias (par exemple sur les retraites). Aboutissement logique : au sein de cette union, LFI représente, de loin, la force électorale la plus importante. Cette domination est-elle figée ? Où mène-t-elle ? Après six mois de pratique, on commence à deviner la réponse à ces questions décisives.
Rappelons d’abord que la NUPES n’a pas atteint son but officiel, qui était de remporter la majorité au Parlement et d’imposer Jean-Luc Mélenchon à Matignon. Au contraire, dominée par son aile radicale, la gauche a réalisé l’un des scores les plus bas de son histoire électorale (moins d’un tiers des suffrages) et c’est le Rassemblement national qui a réalisé la meilleure performance lors des législatives.
Observons ensuite que la tactique d’opposition frontale adoptée par LFI – et par la NUPES sous sa férule – n’a rien fait pour redorer l’image du Parlement bien au contraire. Au lieu de devenir un lieu d’élaboration, l’Assemblée s’est muée en un théâtre vociférant qui a accentué la virulence du débat politique et la gauche n’a produit, pour l’essentiel, qu’une dizaine de motions de censure parfaitement stériles. Contrainte de suivre cette ligne de confrontation, la gauche en a pâti, sa crédibilité s’est amenuisée et sa position dans l’opinion s’est encore dégradée.
Reconnaissons enfin que les convulsions internes de LFI n’ont rien fait pour arranger les choses. Au sein du mouvement mélenchoniste, une opposition s’est cristallisée autour des méthodes autoritaires de la direction ; une bonne partie des militants en viennent à admettre ce qu’on savait depuis toujours : LFI n’est pas un parti démocratique mais un mouvement dirigé par une petite équipe de fidèles groupés autour d’un chef charismatique.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Où cela mène-t-il ? On ne sait encore, mais la mise à l’écart de tous ceux qui auraient pu apparaître comme des dauphines ou des dauphins possibles au sein de LFI suggère fortement la réponse : à une nouvelle candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, sur la base d’un programme comparable à celui de la NUPES, maximal et ultra-dépensier, au moment où les taux d’intérêt repartent à la hausse, et sur le fondement d’une politique étrangère neutraliste, anti OTAN et eurosceptique, qui ne correspond en rien à la nouvelle donne géopolitique dominée par la montée en puissance de nouveaux empires hostiles à la démocratie, la Russie et la Chine au premier rang.
Alors que faire ? La solution est simple : non pas répudier l’union, mais renégocier son contenu et sa stratégie. Il s’agit d’abord des élections européennes. Ce scrutin à la proportionnelle, sans enjeu décisif au niveau national, doit permettre à chacune des formations de concourir sous ses propres couleurs. Puis, au cours de la longue période (trois ans) qui nous séparera de l’échéance présidentielle, il s’agira de renouveler discours et propositions à gauche et de rétablir un début de confiance avec les classes populaires, pour négocier un nouveau programme, audacieux mais crédible, qui tienne compte des exigences de l’ère nouvelle.
On dira : ce serait rendre à la gauche réformiste une place centrale. Eh oui ! Jamais dans le monde la gauche radicale n’a gagné un scrutin national. Sauf au Venezuela. Ou en Grèce, pour quelques jours, avant que Tsipras ne tourne casaque. Même chose en France : l’Union de la Gauche l’a emporté à chaque fois (1936, 1981, 1988, 1997, 2012) parce qu’elle était emmenée par les socialistes et non par la gauche radicale de l’époque. Le même problème se pose aujourd’hui : sans reconquérir les classes populaires, sans détacher du macronisme les électeurs de gauche qui l’ont rejoint, point de victoire possible. Seule une gauche crédible et rééquilibrée peut y parvenir.
Crédit photo : Le Bien Public