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La reine de la liberté
L’émotion planétaire suscitée par la mort d’Elizabeth II ne tient pas seulement à la personnalité attachante de la souveraine, bienveillante et rigoureuse, courageuse et humaine, qui a su accompagner pendant soixante-dix ans la vie de la nation britannique. C’est aussi parce que cette reine aux attributs féodaux fut une démocrate irréprochable, parce que cette héritière d’une tradition immémoriale a respecté toutes les volontés de changement qui émanaient de la société britannique, parce que cette souveraine par la naissance a défendu tout au long de sa vie la souveraineté du peuple. Au fond, cette reine entourée de tous les symboles d’un pouvoir impérial, fut surtout une reine de la liberté.
C’est devenu un cliché que de souligner la sympathie suscitée par la reine d’Angleterre dans un pays qui a guillotiné le roi de France. Paradoxe, dit-on, contradiction, nostalgie refoulée des républicains pour la monarchie. On oublie de préciser que les deux souverains, à deux siècles de distance, étaient à l’opposé : à tort ou à raison, on tenait Louis XVI pour une incarnation de l’arbitraire et de l’oppression d’Ancien Régime ; à raison, Elizabeth II était vue comme le point fixe de la démocratie britannique. Si bien que le paradoxe n’en est plus un. On ne voudrait pas d’un roi tyrannique, on aime une reine démocrate. Depuis sa prime jeunesse, Elizabeth II incarne des valeurs de liberté et de concorde. Adolescente, elle s’engage dans l’armée britannique qui a tenu tête à Hitler ; au lendemain de la guerre, elle devient l’héritière d’une monarchie qui admet la dissolution de l’empire colonial dont elle était en principe la garante ; tout au long de son règne, elle incarne l’unité du royaume sans jamais altérer le moins du monde le fonctionnement régulier d’institutions qui donnent au Parlement élu une totale primauté sur la vie de la nation. Elle accueille les travaillistes au pouvoir avec la même courtoisie que les conservateurs, elle offre son onction au « swinging london » qui bouscule le puritanisme britannique, elle anoblit les Beatles, elle tance discrètement Margaret Thatcher pour sa dureté sociale et, alors que son grand-père refusait de recevoir des divorcés, elle fait Elton John chevalier et confère à son mari le titre d’ « Honourable »... Son silence, qu’on moque parfois, traduit surtout le respect des décisions prises par les dirigeants élus à qui elle ne dispute aucun pouvoir.
Au fond, le maintien d’une monarchie archaïque au sein d’une nation du 21ème siècle résout une question qui se pose à toutes les démocraties : comment combiner le rôle symbolique des dirigeants, qui incarnent la pérennité de la nation, avec leur qualité de gouvernants au jour le jour ? Les Britanniques ont confié la fonction symbolique à une famille – les Windsor – qu’ils ont privé de toute espèce de pouvoir tangible, pour confier la réalité de la décision à des chefs de gouvernement choisi par le Parlement. Les Français ont confondu les deux fonctions dans une même personne, le président de la République, qui incarne à la fois l’essence de la nation et la contingence de la politique. Pas sûr que le second principe soit supérieur au premier.
Crédit photo : Europe1
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
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On a dit beaucoup de mal du Prince Charles, devenu aujourd’hui Charles III, effacé, torturé, mari duplice et hypocrite, éternel dauphin sans consistance. Il est une chose qu’on ne peut pas lui dénier : il fut l’une des premières personnalités mondiales à prendre au sérieux les questions environnementales. Voilà qui lui ouvre un certain crédit.
En dépit de toutes les incertitudes liées au « brouillard de la guerre » et jeu des propagandes, il semble bien que l’armée ukrainienne, jusque-là sur une stricte défensive, ait bousculé l’armée russe par deux attaques au sud et à l’est, pour reprendre le contrôle de territoires perdus. Ainsi ce pays, dont chacun pensait qu’il serait écrasé en quelques semaines, a repris l’initiative militaire face à une armée qu’on tenait pour irrésistible. Qui l’eût pensé il y a six mois ? Ce qui laisse à penser que la stratégie européenne – et américaine - de soutien à la démocratie ukrainienne, repose sur des espoirs réalistes.