La seleção fasciste

Laurent Joffrin | 09 Janvier 2023

Décidément, la chose se confirme : le national-populisme débouche sur le fascisme. Le mot est fort ? Mais comment qualifier autrement l’assaut mené par les partisans de Jair Bolsonaro contre les organes du pouvoir démocratique à Brasilia ? Une foule hurlante et violente refuse le résultat des élections libres, saccage les symboles de la république brésilienne et réclame un coup d’État militaire. Au nom d’un leader populiste qui condamne mollement les exactions de ses zélotes, ces militants factieux usent de violence pour promouvoir un régime nationaliste et autoritaire.

Cette fois la comparaison avec les années trente en Europe s’impose. Les images sépia de la marche sur Rome de Mussolini, de l’incendie du Reichstag par les nazis ou, en France, de la tentative d’assaut des ligues fascistes contre la Chambre de Députés le 6 février 1934, se superposent dans la mémoire politique à celles de l’émeute de Brasilia. À chaque fois, un parti en principe légal passe à l’action de force contre la démocratie.

On dira que l’événement se produit dans un pays qui a longtemps connu la dictature militaire, où la démocratie a souvent été contestée, où les institutions restent fragiles. Que dire alors de l’assaut des partisans de Donald Trump contre le Capitole, dont celui de Brasilia est la réplique fidèle ? Il est fondé sur le même refus d’une élection régulière, sur les mêmes fantasmes de complot véhiculés par les réseaux sociaux, sur la même doctrine nationaliste et, qui plus est, il est théorisé par le même idéologue lié à Trump et Bolsonaro, Steve Bannon, gourou de l’extrême-droite américaine à l’audience internationale. En Europe même, quoiqu’encore marginales, on retrouve les mêmes tentations : putsch avorté en Allemagne, esquisses de conspirations armées en France, attaques violentes contre les élus un peu partout, etc.


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Les moyens sont différents : les émeutiers bolsonaristes annexent le maillot de la seleçao brésilienne, ils s’organisent sur les réseaux numériques, ils sont shootés aux fake-news du « Darknet ». À l’image des partisans factieux de Donald Trump, ils mènent une guerre culturelle contre une gauche accusée de succomber au « wokisme », contre la science et la médecine en soutenant les « antivax ».

Mais en leur temps, les fascistes européens, tandis que les démocrates s’en tenaient à la politique classique, maîtrisaient aussi les techniques modernes de propagande, slogans lapidaires, meetings de masse théâtralisés et sonorisés, films stylisés à la Leni Riefenstahl, esthétique futuriste, uniformes guerriers, etc. Eux aussi stigmatisaient « la décadence » des démocraties, la « culture dégénérée » des avant-gardes, le relâchement des mœurs, l’impuissance supposée des régimes de liberté, le déclin des identités et la menace des minorités venues d’ailleurs. La manière change, le but est le même.

Tous les démocrates doivent en tirer les leçons : c’est la nature même des régimes de droit et d’élection libre qui est maintenant contestée, avec l’approbation d’une partie des classes moyennes et populaires. Une gauche qui renoncerait à retrouver le contact avec les plus défavorisés ou bien s’enfermerait dans la radicalité minoritaire, porterait une lourde responsabilité.

 

Crédit photo :  Les Echos

 

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages