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- Séminaire "Gauche : des questions qui dérangent" le 26/11/22 à Cergy
La vraie nature du RN
Avec une pudeur de gazelle, le Rassemblement national fête son cinquantième anniversaire, sans agapes ni commémoration, tout juste un colloque tenu en petit comité dans la semi-clandestinité. On le comprend : la réunion fondatrice de 1972 rassemblait une phalange disparate de jeunes crânes rasés, d’anciens collabos et de rescapés de l’OAS, unis par un nationalisme agressif, un antigaullisme forcené et une bonne dose de racisme et d’antisémitisme. Quelle bande ! La fondation du Front national traduisait avant tout la volonté d’un groupuscule fascisant, Ordre nouveau (qui voulait « en finir avec la démocratie », et serait ensuite dissout pour violences), de se doter d’une façade légale en faisant appel à un cheval de retour du poujadisme et de l’Algérie française, doté d’un talent oratoire certain, Jean-Marie Le Pen.
Homme de paille désigné, Jean-Marie Le Pen allait devenir l’homme de fer de l’organisation à force de conflits internes, choisissant sans ambages la voie légale, comprenant assez vite que la fortune électorale du parti viendrait, non du ressassement des défaites passées, mais d’une rhétorique anti-immigration qui est le vrai marqueur du RN. Autour de ce môle idéologique et stratégique, le FN allait sans cesse faire évoluer son programme, passant du libéralisme reaganien à un discours plus social, des origines pétainistes à un raccommodement de façade avec la tradition gaulliste, du souverainisme à l’acceptation de l’euro, de l’anticommunisme atlantiste au soutien plus ou moins appuyé à Vladimir Poutine et aux populistes de droite partout dans le monde, sans rien céder de sa vraie nature.
On dit parfois que le RN a rompu avec le FN, allant jusqu’à exclure de ses rangs le père fondateur Jean-Marie Le Pen. C’est inexact : il a changé pour rester le même. Ses variations successives laissent intact le fondement doctrinal du RN, une conception organique et ethnique de la nation, que l’individualisme démocratique et le mélange des cultures conduiraient à la décadence. Il suffit de lire un extrait de la déclaration de principes de 1972, citée par le spécialiste de l’extrême-droite Nicolas Lebourg. Elle avait été rédigée par un certain François Brigneau, journaliste pétainiste, ancien milicien, ami personnel de Le Pen plusieurs fois condamné après 1945 pour antisémitisme galopant. La décadence, écrivait-il, « est aujourd’hui le péril majeur de la France. Elle mine l’individu. Elle détruit la famille. Elle affaiblit la nation. Elle ronge les principes sans lesquels les communautés disparaissent dans le chaos de l’intérieur ou la mainmise de l’étranger (…) De cette prise de position découlent les lignes-force du Front national. » Sur ce point décisif, rien n'a changé, le RN, comme le FN, défend l’intégrité ethnique de la nation dont le « mondialisme » et l’immigration sont les ennemis mortels. Marine Le Pen a même fondé sa campagne de 2022 sur la « priorité nationale », annonçant qu’elle n’hésiterait pas à violer la constitution pour la mettre en vigueur.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Faut-il le rappeler ? Cette conception de la nation est à l’opposé des principes républicains, qui s’adressent non à une ethnie particulière, à une sorte de « race française », mais à un ensemble de citoyens libres et autonomes qui choisissent d’adhérer à l’ensemble national encadré par la République. Cette adhésion n’exclut en rien le patriotisme, ni l’attachement à une culture ou à un mode de vie, mais elle est surplombée par les chartes fondamentales qui définissent les droits humains et les règles de la société politique.
C’est ce surplomb que conteste le RN. Pour lui, les droits de la nation dépassent ceux de l’individu, ils sont censés protéger l’ethnie française et non se soumettre à des principes universels de liberté et d’égalité. D’où la rhétorique de la « submersion migratoire », qui altère l’identité traditionnelle de la France, d’où la dénonciation des « Français de papier » (ceux qui acquièrent la nationalité par le droit du sol), d’où la désignation des partisans du RN par le vocable de « patriotes », ce qui implique que ceux qui le combattent sont, par hypothèse, de mauvais Français, fourriers de la décadence et de la corruption identitaire, d’où la rupture programmée avec les principes de liberté affirmés par les chartes internationales des droits humains et par l’état de droit républicain – ce qu’on appelle le « bloc de constitutionnalité », au profit d’une législation aux forts relents xénophobes. En un mot, le Front national a beaucoup changé depuis sa fondation ; mais tout en acceptant le cadre légal de l’action politique, il n’a jamais renié ses convictions essentiellement antirépublicaines.
Et aussi
Les agences de notation internationales ont dégradé la note de la Grande-Bretagne, qui devient « négative ». Explication : le gouvernement de Londres a prévu entre 100 et 200 milliards de livres de dépenses supplémentaires en donnant une vision trop imprécise de leur financement. La décision prélude à un renchérissement du coût de financement de la dette britannique et augure mal de l’avenir économique du royaume. Pour mémoire : dans son programme législatif, largement inspiré par LFI, la NUPES prévoyait 250 milliards d’euros de dépenses supplémentaires (un ordre de grandeur supérieur à celui de Liz Truss), sans être d’une grande précision quant au financement. Certes l’économie française est mieux protégée grâce à son appartenance à la zone euro. Mais tout de même : à l’aune de l’exemple britannique, la gauche française peut-elle continuer à prôner des dépenses aussi considérables, c’est-à-dire à confondre le budget de l’État avec une corne d’abondance, sans encourir les mêmes mésaventures que la Grande-Bretagne ?
Le gouvernement annonce un « plan sobriété » fondé sur de multiples conseils destinés à économiser l’énergie. Répétons-le : plutôt que de multiplier les injonctions culpabilisantes, mieux vaudrait instaurer un « compte carbone » individuel dont se doteraient les Français sur une base volontaire, qui leur permettrait de mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre et d’agir en conséquence pour les réduire, en faisant fond sur leur responsabilité, plutôt que sur leur infantilisation.