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Le devoir de la gauche
Point de faux-fuyant, d’hésitation, d’atermoiement possible : tout démocrate, tout républicain, tout progressiste qui se respecte, doit empêcher par son vote Marine Le Pen d’accéder à la présidence de la République. Les raisons ? Elles sont simples, limpides, fondamentales.
- Marine Le Pen propose de faire adopter par référendum un dispositif de lutte contre l’immigration qui mettrait la France au ban de l’Europe des droits humains. Refus d’accueillir la plupart des réfugiés qui se présenteraient aux frontières françaises ; fin du droit du sol, une vieille tradition républicaine ; réduction draconienne du regroupement familial ; discrimination générale des étrangers à l’embauche et au logement ; criminalisation de toute aide à l’immigration ; refus des prestations sociales de solidarité pour les étrangers ; expulsion des étrangers au chômage (alors qu’ils ont cotisé comme les autres) ; fin des régularisations de sans-papiers ; etc.
- Ce référendum aurait lieu selon les modalités de l’article 11 de la constitution, et non l’article 89, alors que les lois sur l’immigration, qui touchent aux libertés publiques, n’entrent pas dans le champ prévu par l’article en question et contredisent pour la plupart les conventions internationales signées par la France. Il s’ensuivrait une crise constitutionnelle, que ce coup de force juridique ne manquerait pas de déclencher.
- En raison de ces éventuelles décisions et de bien d’autres dispositions prévues par le RN, la France sortirait de facto de l’Union européenne. Tout en camouflant cet aspect des choses, le RN prévoit de remplacer à terme l’Union, à laquelle il ne trouve que des défauts, par une très vague « Alliance européenne des nations », selon le terme utilisé dans son programme, fondée sur une vision strictement souverainiste. Rideau de fumée destiné à tromper l’électeur : il s’agit bien, sans le dire, de choisir la voie du « Frexit », fût-ce de manière oblique et cauteleuse.
- La rupture avec l’Union se doublerait d’un retrait du commandement intégré de l’OTAN, au moment où la menace russe devient une réalité tangible et sanglante. Marine Le Pen souhaite – elle l’a souvent dit – une alliance avec la Russie, comme avec les démocraties « illibérales » que sont la Hongrie ou la Pologne. La France se retrouverait alors embarquée dans une coalition d’extrême-droite minoritaire et agressive.
- Marine Le Pen excipe d’un programme social qui prévoit des mesures de pouvoir d’achat onéreuses et exclut tout report de l’âge de la
retraite, avec un départ à 60 ans pour les carrières longues. Mais son financement est totalement hasardeux. Il repose sur des économies réalisées au détriment des immigrés, largement surestimées et sur la lutte contre la fraude, classique de tous les programmes qu’on n’arrive pas à équilibrer. Cette lutte est nécessaire, mais on sait d’expérience qu’elle rapporte toujours moins qu’on l’espère. Il comporte enfin une recette de cinq milliards provenant de l’arrêt des versements de la France à l’Union européenne : ce qui confirme bien la volonté de sortir des traités européens. Il s’ensuivrait une nouvelle augmentation de la dette publique, dont le poids deviendrait insupportable en cas de remontée des taux d’intérêt, ce qui n’a rien d’invraisemblable.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Au total, on aboutit à une France fermée, répressive, financièrement affaiblie, séparée de l’Union européenne, à la politique étrangère dangereuse et complaisante envers un dictateur comme Poutine. Une France qui tourne le dos à sa propre identité, qui rompt avec la tradition républicaine, qui s’isole de l’Europe et rejoint les démocraties identitaires, avec de forts penchants autoritaires.
Devant ce risque majeur, quelle électrice, quel électeur de gauche peut hésiter à mettre dans l’urne le bulletin de son adversaire ? Jean-Luc Mélenchon, de toute évidence. En tenant sur ce point un discours ambigu, en se retranchant derrière la consultation de sa base, alors qu’en 2017 la même consultation avait débouché sur l’abstention, il prend une responsabilité historique.