Le véritable enjeu du congrès du PS

Laurent Joffrin | 26 Janvier 2023

L’obscure clarté qui tombe du Parti socialiste – à vrai dire un embrouillamini saumâtre où deux camps égaux se disputent le pouvoir dans une amère confusion – ne doit pas occulter son enjeu politique. Rappelons l’équation de base : arguant de la faiblesse du parti et de la bienfaisance de l’union, les uns veulent rester dans la roue de la France insoumise ; les autres souhaitent s’en distinguer pour tenter de s’affirmer et de retrouver leur électorat, quitte à renégocier l’union. « Nous sommes revenus au cœur de la gauche », disent les premiers. « Nous sommes sous la férule de Mélenchon », disent les seconds. Une note de la Fondation Jean Jaurès, sous la plume d’Antoine Bristielle (1), vient éclairer ce débat essentiel. Et pour parler clair, cette étude désavoue les premiers et conforte les seconds.

Que pense l’électorat socialiste (il existe encore, quoi qu’on dise) ?  Il est « solidement ancré à gauche », remarque Bristielle, s’appuyant sur un vaste sondage mené par la Fondation en octobre dernier. Il est soucieux de redistribution, de protection des salariés, de justice sociale ; il est favorable à une forte intervention publique, très ouvert sur le plan culturel et sociétal, et persuadé, enfin, que l’appartenance à l’Union européenne est de toute nécessité. Il est tout autant certain que la France doit mettre en œuvre une mutation écologique vigoureuse, quitte à modifier en profondeur le mode de vie.

Mais les électeurs socialistes ont une vision « particulièrement négative » de la France insoumise. Ils souhaitent seulement à 30% vivre dans une société qui serait conforme aux vues de LFI ; ils sont 28%, pas plus, à considérer que les Insoumis sont capables de gouverner, et 51% à penser que LFI « est un parti dangereux pour la démocratie », 61% à juger que son comportement au Parlement est « trop radical » et 56% à affirmer qu’il « attise la violence ».


La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner


On dira que nécessité fait loi et que le score lamentable des socialistes à la dernière élection présidentielle - 1,5% contre 21,9% - ne leur laisse guère le choix. Hors de la Nupes, point de salut ? C’est là que l’on se trompe encore plus lourdement. Les quelque 22% de Mélenchon à la présidentielle, rappelle Bristielle, se composent pour une partie d’un vote spontané pour LFI et, pour l’autre, d’un raisonnement « stratégique » (le « vote utile »). En fait, note Bristielle, « lorsque l’on demande désormais aux Français de quel parti politique ils se sentent le plus proche, 6,8% citent le Parti socialiste et 8,8% la France insoumise ». Un écart bien plus faible que les scores présidentiels respectifs. Autrement dit, le PS aurait tout avantage, pour récupérer son électorat, à reprendre son autonomie sur une ligne de transformation sociale, mais dégagée de la férule de LFI. Certes il s’agit d’un sondage. Pour changer cette opinion en vote, il faut un travail de fond et de longue haleine, appuyé sur un projet neuf et une organisation refondée. Telle devrait être la substance du débat qui se tiendra lors du congrès de ce week-end à Marseille. Plus que la question de savoir si la section de Liévin a voté ou non selon les règles.

(1) Antoine Bristielle - Parti socialiste : à gauche mais avec qui ? Voir https://www.jean-jaures.org/    (Fondation Jean Jaurès – Communications)

 

Crédit photo :  Le Monde

 

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages