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Les chômeurs paieront ! - Lettre politique #82
On a vu des réformes plus glorieuses. Voulant sans doute montrer qu’il poursuit sa tâche de « modernisation » contre vents et Covid, le gouvernement a maintenu, moyennant quelques aménagements, la réforme de l’indemnisation des chômeurs prévue avant l’irruption de la pandémie. Indice significatif : la CFDT, syndicat réformiste et souvent constructif, s’apprête, indigné par la réforme, à déférer au Conseil d’État le texte promulgué par le gouvernement.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Il y a de quoi. Selon les études menées, non par les syndicats mais par l’Unedic – l’organisme officiel chargé de verser leurs prestations aux chômeurs –, les nouvelles disposition macroniennes amputeront de quelque 20% les indemnités des travailleurs les plus précaires privés d’emploi. De la même manière, les conditions nécessaires pour bénéficier des prestations ont été, elles aussi, resserrées. Quelque 800 000 personnes au total (plus d’un million selon une évaluation de FO) seraient affectées par ces dispositions, lesquelles frappent une sorte d’armée de réserve du capital, contrainte de sauter de job en job pour répondre aux aléas des carnets de commande, faute de pouvoir accéder à un emploi stable.
Certes, personne ne contestera de bonne foi les mesures édictées par le gouvernement pour faire face aux conséquences sociales de la pandémie de Covid 19. Les secteurs sinistrés ont été secourus et le régime de chômage partiel a permis d’éviter les licenciements massifs qui auraient résulté du jeu spontané des mécanismes du marché en période de restriction sanitaire.
Il apparaît, toutefois, que le mot d’ordre consacré – « quoi qu’il en coûte » – s’applique de manière inégale. S’agissant des travailleurs précaires, c’est plutôt la célèbre maxime élyséenne qui prévaut : tout ça coûte « un pognon de dingue ». En l’occurrence, ce « pognon de dingue » consiste à octroyer aux précaires des indemnités inférieures à 900 euros par mois, qu’on réduirait d’un quart dans le nouveau système. « Dingue », en effet.
Le gouvernement en escompte deux effets. Économiser quelque deux milliards d’indemnités dont la suppression viendrait soulager les comptes de l’assurance chômage, lesquels ont été dévastés par la pandémie. Peut-être pouvait-on trouver d’autres victimes que les plus fragiles des salariés. Par exemple les plus hauts revenus, qu’on épargne avec soin au nom de l’investissement, alors qu’ils bénéficient depuis le début du quinquennat d’une baisse continue des impôts sur leur revenu et leur capital.
Deuxième objectif : contraindre les chômeurs à une recherche plus active de l’emploi, en réduisant leurs prestations. Vieux raisonnement qui postule que les chômeurs se satisfont finalement de leur situation, alors que toutes les études montrent que l’immense majorité des travailleurs privés d’emploi n’ont d’autre souci que de retrouver un travail au plus vite.
Qui ne voit là-dessous un calcul politique ? La baisse des prestations destinées aux chômeurs sacrifie aux dogmes de la droite. L’économie attendue permettra d’exciper d’une politique « courageuse » ou « réaliste » menée sur le dos des plus faibles. Voilà qui devrait faciliter la convergence entre la droite et LREM dont Emmanuel Macron attend sa réélection.