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Lutter contre l’autre séparatisme - Lettre politique #56
La France, dit-on, ressemble de plus en plus à un « archipel » qui juxtapose, de manière séparée et souvent hostile, des communautés séparées les unes des autres, ce qui mine cette « République une et indivisible » dans laquelle nous sommes censés vivre. À partir de ce constat, on justifie le vote d’une loi « contre le séparatisme » destinée à faire pièce aux menées, tout à fait pernicieuses, de l’intégrisme islamiste.
Mais il y a un autre « séparatisme » qui sape les fondements de la République : la ségrégation géographique selon le niveau de revenus, qui répartit les classes sociales entre quartiers disparates et favorise la création de « ghettos urbains » propices à toutes les dérives délinquantes, ethniques ou religieuses. Pour contrer ce phénomène, les gouvernements de la gauche réformiste ont agi. En 2000, sous la direction de Lionel Jospin, on a promulgué la loi dite « SRU » (Solidarité et renouvellement urbain) qui oblige – en principe – les communes d’une taille suffisante à construire des logements bon marché, à hauteur (selon différents critères) de 20 ou 25% du parc locatif. Cette loi a ensuite été renforcée par Cécile Duflot, ministre du Logement du gouvernement Ayrault, en 2013.
La lettre politique de Laurent Joffrin #56 | S'abonner
Comme vient de le montrer la Fondation Abbé Pierre dans son rapport annuel, cette loi est appliquée à 50%. La moitié des communes concernées l’ont mise en œuvre, améliorant du même coup la « mixité sociale », puissant remède contre l’archipelisation du pays. L’autre moitié – des communes de droite pour l’essentiel – ont préféré payer l’amende prévue pour non-respect des critères SRU. La région PACA, ou bien certaines communes de l’ouest parisien, se distinguent en la matière : leurs élus soupirent après la division du pays mais refusent de lutter contre elle, par crainte de mécontenter leurs électeurs, allergiques à l’installation sur leur commune de populations plus pauvres qui viendraient troubler le bonheur tranquille de ces cités bourgeoises. Concrète illustration du « séparatisme des riches », qui favorise évidemment celui des moins riches.
Le gouvernement actuel n’a pas ignoré le problème : il a confié à Thierry Repentin, ancien ministre de la gauche, maire de Chambéry, longtemps socialiste et aujourd’hui rallié au macronisme, le soin de faire un état des lieux et de proposer des mesures. Le plan qu’il vient de rendre public, sous l’autorité d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, va dans le bon sens en proposant une action plus ferme. Si toutes les municipalités appliquaient la loi, en effet, quelque 600 000 logements sociaux supplémentaires auraient été construits dans des communes prospères. On cherche à en tirer les leçons.
Il faut craindre, néanmoins, que la bonne volonté gouvernementale soit insuffisante. Il n’est qu’une manière de redresser la situation, qui est une situation d’urgence, tant la ségrégation sociale et géographique affaiblit notre pays : accroître sensiblement les amendes encourues par les villes récalcitrantes de manière à rétablir dans nos villes un équilibre qui restaure un minimum de cohésion sociale. C’est ce que propose le mouvement « Engageons-nous », qui prévoit de sanctionner sévèrement les contrevenants et aussi d’instaurer, dans les villes plus pauvres, un « maximum » de logements sociaux, de manière à préserver la mixité sociale à la base, comme au sommet de la hiérarchie urbaine. Réforme radicale ? Qui risque de faire des vagues ? Certes. Mais comme on l’a dit plusieurs fois, le réformisme n’est pas la pusillanimité.
Les 100 propositions formulées par Engageons-nous sont à découvrir dans la plateforme « Le temps des possibles », consultable ici.