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Macron, la gauche, la sécurité - Lettre politique #83
Emmanuel Macron donne un entretien fleuve au Figaro. Thème unique : la sécurité. On dira ensuite que le président pourrait ne pas se représenter en 2022… Tout à l’inverse, il défend son bilan en la matière et déroule les principes qui doivent, de toute évidence, s’inscrire dans son programme pour la prochaine présidentielle.
Soutien à la police heurtée par des décisions de justice qu’elle estime trop indulgentes, augmentation en cours des effectifs et de l’équipement, effort particulier de lutte contre les trafics de stupéfiants, plaidoyer pour la loi dite de « Sécurité globale », dont certaines dispositions sont très contestées… Le discours macroniste sur le sujet se rôde en perspective d’une campagne où le sujet prendra, inévitablement, une place importante, ne serait-ce que par la rhétorique purement répressive du Rassemblement national et d’une grande partie de la droite.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
La gauche aurait grand tort de négliger le sujet : la montée des agressions contre les personnes et la violence née du trafic de drogue émeuvent l’opinion ; elles touchent en priorité les quartiers populaires, ce qui en fait un facteur lancinant d’inégalité sociale. C’est la raison pour laquelle les Engagés ont voulu consacrer la dernière réunion du « Zoom de la Gauche », qui a rassemblé une douzaine de partis, de clubs et de mouvements de la gauche réformiste, à cette question de l’insécurité, qui doit figurer parmi les priorités de tout programme de gauche crédible. Droitisation de la gauche ? En aucune manière : il ressort du débat une vision qui diffère nettement du discours présidentiel et, a fortiori, des philippiques de LR ou du RN. De manière éloquente, un point essentiel manque dans l’entretien du Figaro : l’action sociale et préventive qui doit encadrer toute action en faveur de la sécurité des citoyens.
Non que la gauche réformiste s’en tienne là, bien au contraire. La sanction, l’action policière ou judicaire forment un pilier essentiel de sa doctrine. Cette gauche se réfère, au premier chef, aux principes républicains. Pour elle, le respect de la loi est un fondement de la paix civile et de la justice sociale, ce qui suppose fermeté et célérité dans son application. Assurer la sécurité est le fondement même du pacte social, mais sa finalité est de garantir la liberté, non de l’asservir. Il s’agit de rétablir une police de la tranquillité publique de proximité et d’assurer une « réponse judiciaire » pertinente et rapide à la délinquance, ce qui suppose, non un empilement de lois répressives, mais avant tout un accroissement sensible des effectifs de la police et de la justice, alors même que la droite, en son temps, avait supprimé quelque 13000 postes de policiers et laissé la justice dans une grave pénurie de moyens. Nul « angélisme », donc, dans ces propositions*.
Mais la simple répression, panacée des conservateurs, outre qu’elle risque de menacer les libertés publiques à force de surenchère, ne mènera à rien si l’action sociale et associative manque. À cet égard, la restriction des emplois aidés qui a marqué ce quinquennat, en fragilisant le tissu associatif, va à l’encontre du but recherché. L’expérience de tant de municipalités prouve que le travail quotidien de restauration du lien social dans les quartiers difficiles a un réel impact sur la délinquance et la violence. Plus généralement, c’est l’injustice qui, souvent, crée le désordre : la lutte contre les graves inégalités qui frappent les quartiers populaires est aussi un moyen d’améliorer la sûreté de chacun. Toutes considérations gravement absentes d’un discours présidentiel déséquilibré, qui vise plus, il faut le craindre, à convaincre les lecteurs du Figaro qu’à formuler une politique cohérente. Autrement dit, dans l’actuel paysage politique, seule une gauche du réel est en mesure de mener une action complète et efficace en faveur de la sécurité. Encore faut-il qu’elle n’hésite pas à la revendiquer haut et fort.
* On se reportera utilement aux propositions de la plateforme des Engagés, ainsi qu’au compte-rendu du « zoom de la gauche » du 11 avril dernier qui sera prochainement mis en ligne.