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Macron : pour unir, commençons par diviser
« Soyons cette nation de bâtisseurs », dit Emmanuel Macron lors de ses vœux aux pays. La formule a été remarquée, peut-être restera-t-elle dans les mémoires… dans un registre ironique, celui de l’antiphrase emblématique. Deux réformes caractérisent cette émouvante volonté de construire : celle de l’assurance chômage, récemment votée, celle des retraites, objet d’une annonce imminente.
La première consiste à réduire les droits des chômeurs en raison inverse de leur nombre, une réduction de 25% en moyenne de la durée d’indemnisation si le chômage diminue, portée subrepticement, par décret, à 40% dans certains cas. La mesure est destinée à inciter les demandeurs d’emploi à chercher plus activement un travail : elle frappera surtout ceux qui n’auront pas réussi à le faire en dépit de toutes leurs démarches et qui se retrouveront plus vite au RSA. Bâtir, en l’occurrence, c’est réduire.
La seconde, qui repose sur le report de l’âge légal de départ au-delà de 62 ans, obligera les salariés des classes populaires à travailler plus longtemps pour obtenir une retraite à taux plein, alors même que leur espérance de vie en bonne santé est inférieure à celle des classes plus favorisées. Lesquelles, ayant commencé plus tard, partent déjà à un âge plus avancé et ne verront donc pas la différence. Les droits des plus modestes sont diminués. Bâtir, c’est affaiblir.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Dans les deux cas, nombre d’économistes proposent des solutions alternatives, qui heurteraient moins les chômeurs et les futurs retraités. Dans les deux cas, l’unanimité des syndicats, CFDT comprise, s’est réalisée contre les projets macroniens et les météorologues sociaux émettent un avis de tempête. Rappelons l’exergue du discours du président lors de ses vœux : « Si nous cédions à l’esprit de division qui nous presse de toute part, nous n’aurions à peu près aucune chance de nous en sortir, dans un monde si rude, dans des temps si durs. Je ne perds jamais de vue cet impératif d'unité de la Nation. » Pour unir, on commence par diviser.
Autrement dit, dans une belle symétrie, les mots et les choses se contredisent exactement. Orwell avait déjà décrit ce mode de gouvernement dans 1984, qui consiste à inverser le sens du discours : le ministère de la Guerre s’appelle le ministère de la Paix, celui de la Propagande, ministère de la Vérité…
Et dans le cas qui nous occupe, le gouvernement appelle progrès ce qui est une régression.
Crédit photo : France Bleu