Macron « social-démocrate » ?

Laurent Joffrin | 04 Avr. 2022

Emmanuel Macron, dit l’un de ses proches au Monde, veut remobiliser « l’électorat social-démocrate » qui l’a porté au pouvoir en 2017. D’où le discours tenu par le président en cette fin de non-campagne : formules mitterrandiennes – il parle de la « force tranquille » - rappel des mesures de soutien de l’emploi et du pouvoir d’achat mises en place pendant la pandémie, mise en avant des rares mesures sociales contenues dans son programme. On annonce partout la mort de la social-démocratie en France, mais on invoque tout de même ses électeurs. S’il n’y a plus de « sociaux-démocrates », pourquoi en parler ?

C’est un fait, selon les études d’opinion, que la moitié environ des électeurs socialistes sont passés au vote « En Marche » lors de la dernière élection présidentielle. Curieusement, d’ailleurs, certains socialistes, alors que ces votants votent plus à droite, en ont déduit qu’il fallait tenir un discours plus à gauche. Drôle de stratégie électorale…

Mais l’essentiel n’est pas là. La vraie question est celle-ci : Macron est-il un tant soit peu social-démocrate ? Les anciens électeurs socialistes retrouvent-ils chez lui les idées auxquelles ils croient ? Qu’il soit permis d’en douter.

  • La social-démocratie, c’est d’abord la réduction des inégalités. Les chiffres montrent qu’elle a eu lieu sous Hollande, et qu’elle s’est inversée sous Macron.
  • La social-démocratie, c’est la redistribution. Cette redistribution a consisté sous Macron à réduire les impôts des plus riches et à écorner les prestations réservées aux plus pauvres.
  • La social-démocratie, c’est le compromis. On a rarement vu manière de gouverner plus verticale en France, ni indifférence aussi manifeste envers les « corps intermédiaires », notamment envers les syndicats, CFDT comprise.
  • La social-démocratie, c’est la défense des salariés, à commencer par les moins favorisés. Emmanuel Macron se dispose à repousser l’âge de la retraite à 65 ans, ce qui touchera pour l’essentiel les Français les plus modestes, ceux dont l’espérance de vie en bonne santé est la plus courte.
  • La social-démocratie, c’est le refus de l’égoïsme de marché et la confiance dans l’action collective et la solidarité. La macronie célèbre avant tout la réussite individuelle des « premiers de cordée ».
  • La social-démocratie, c’est la défense de la protection sociale. Pour Macron, elle coûte « un pognon de dingue » dépensé en vain.

La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner


On pourrait allonger cette liste à loisir. Ainsi ces électeurs « sociaux-démocrates » sont appelés à soutenir un candidat qu’on peut qualifier de tout ce que l’on veut - en bien ou en mal - mais certainement pas de « social-démocrate ».

Sans doute voient-ils en lui le meilleur candidat pour battre une extrême-droite en ascension. Mais il y a deux tours à cette élection et le président sortant franchira à coup sûr le scrutin de dimanche prochain. C’est au second tour que le choix s’imposera. Au premier tour, le vote est libre. Ainsi ceux de ces « sociaux-démocrates » qui choisiront Macron dès dimanche, sans aucune nécessité, voteront contre leurs idées.

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages