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Macronisme contre social-démocratie
Un dénommé Dussopt, ministre macronien du Travail, dont on ignorait jusque-là les hautes ambitions théoriques, annonce dans le JDD la fin de la social-démocratie. Annonce cent fois entendue, qu’il pare des couleurs de l’invention conceptuelle, pour la remplacer par une notion dont on doit souligner la remarquable originalité : « le progressisme », dont la nouveauté est effectivement acquise puisqu’elle date au bas mot d’une cinquantaine d’années.
Ce Dussopt n’en est pas à sa première contorsion politique. Il a fait sa carrière au sein du PS, à la gauche du parti, auprès de Benoît Hamon, puis de Martine Aubry, avant de se rapprocher de Manuel Valls, pour sauter inopinément dans le train macroniste en échange d’un maroquin. Il mène depuis une politique exactement conforme à ce qu’il dénonçait auparavant au nom de la « vraie gauche ». Comme quoi la qualité de frondeur ne garantit pas contre l’opportunisme le plus trivial. On devine surtout que ses efforts de théoricien visent à masquer les reniements d’un politique qui choisit la soupe contre la fidélité. On dira que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. À cette aune, Dussopt est d’une intelligence supérieure.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Morte, la social-démocratie ? À l’échelle européenne, l’idée est curieuse. Quoique moins vaillants qu’auparavant, les sociaux-démocrates gouvernent tout de même le Portugal, l’Espagne, l’Allemagne et la totalité des démocraties scandinaves, souvent avec un personnel renouvelé, plus jeune et plus féminin. Voilà un mort étrangement actif. En France, la question est différente : faute de liens organiques avec les syndicats, la social-démocratie à l’européenne ne s’y est jamais incarnée sous sa forme canonique. Ce que Dussopt désigne pour justifier son diagnostic, c’est le socialisme français, effectivement très affaibli, dominé par LFI et peu visible sur la scène nationale. Si j’ai quitté le navire, plaide Dussopt, c’est parce qu’il a coulé.
Est-ce si sûr ? Le progressisme dont parle ce transfuge est un conglomérat de notions vagues brassées sans ordre ni méthode. On y voit plutôt un libéralisme mâtiné de social et de sociétal. En revanche, si on définit le socialisme – ou la social-démocratie - comme la maîtrise de l’économie de marché mise au service d’une politique de justice sociale et comme une mutation écologique soucieuse des classes populaires et moyennes, on se rendra vite compte que cette stratégie est la seule possible pour affronter les enjeux du siècle nouveau : les inégalités excessives, le dérèglement climatique, la crise des démocraties menacées à l’extérieur par les nouveaux empires, à l’intérieur par le nationalisme et le populisme de droite ou de gauche. Planification écologique, redistribution volontariste, lutte énergique – et républicaine - contre les discriminations de genre et d’origine, démocratisation et décentralisation des institutions, le tout articulé avec la prise en compte lucide des réalités financières et des contraintes du gouvernement : tels sont les fondements d’un socialisme neuf. Toutes choses qu’un macronisme passé au centre-droit se garde bien de mettre sérieusement en œuvre. Reste à traduire ces orientations sur l’échiquier politique : une tâche pour laquelle Dussopt sera de peu de secours.