PRESIDENTIELLEDROITE

Pécresse sur un fil

Laurent Joffrin | 06 Décembre 2021

Éric Ciotti, ou le caillou dans l’escarpin. À peine désignée, Valérie Pécresse doit amadouer son incommode challenger, qui rechigne à voir ses propositions les plus extrêmes écartées par la désormais candidate LR et le clame devant les caméras. Pour éviter la cacophonie, elle fonce vers le sud pour ramener le Zemmour des Alpes maritimes à une mélodie moins discordante. Espérons qu’elle s’arrêtera avant Canossa. La voilà, en tout cas, dotée d’un encombrant second, qui ne manquera pas de jouer régulièrement les santons irascibles.

Pourtant, en choisissant Valérie Pécresse, les adhérents de LR avaient joué une carte habile. Droitisée, mais moins que d’autres dans son parti, ancienne chiraquienne, la présidente de la région Ile-de-France, si elle réussit à maintenir l’unité de son parti, peut espérer retrouver une partie des électeurs perdus de la droite républicaine.

Du coup, déjà bousculé par Zemmour qui affaiblit Marine Le Pen, l’échiquier devient essentiellement mobile. Chacune des pièces se retrouve dans une position instable qui autorise tous les pronostics. Il n’y a plus, comme lors des précédents scrutins, quelques grands candidats d’un côté et des petits de l’autre. Il y a une troupe nombreuse, composée d’une gradation d’impétrants : Macron à 23%, Le Pen autour de 20, Zemmour autour de 16, la droite de 14, Mélenchon 10, Jadot à 7-8, Hidalgo à 5. Chacun est menacé par celui qui le suit ou le précède, chacun est en équilibre sur sa pointe, concurrencé par une candidature qui chasse sur les mêmes terres. 

Valérie Pécresse se garde sur sa droite avec Éric Ciotti, mais elle guigne aussi les électeurs d’Emmanuel Macron grâce à sa qualité de première femme candidate de la droite, additionnée d’une expérience gestionnaire et d’une certaine modernité bourgeoise. Fragile équilibre qui peut mener à la synthèse victorieuse, mais aussi au syndrome de l’omelette, celle qu’on coupe par les deux bouts : s’ils sont en butte à une campagne décevante, les électeurs LR iront, les uns vers Zemmour et Le Pen, les autres vers Macron.


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Tous les candidats, à vrai dire, font face à un dilemme de ce genre : Zemmour joue la radicalité, mais doit aussi rallier une partie de la droite classique ; Marine Le Pen doit se recentrer pour espérer gagner, mais elle doit tenir compte de la concurrence extrême de Zemmour ; Emmanuel Macron doit garder ses électeurs venus de la droite sans perdre ceux qu’il a hérités de la gauche ; Anne Hidalgo doit rallier la gauche, mais reprendre à Macron une partie des anciens votants socialistes ; Yannick Jadot doit s’appuyer sur le socle écologiste, mais aussi gagner sur le centre ; Jean-Luc Mélenchon doit élargir sa base insoumise et, pour cela, regagner en crédibilité. Il n’y a pas vraiment de favori, chacun marche sur son fil et peut trébucher à tout instant. L’ordre d’arrivée est imprévisible.

Dans cette campagne qui n’a pas vraiment commencé – le coup de pistolet de départ retentira en janvier – rien n’est écrit. Les sondages d’aujourd’hui ne sont pas ceux de demain. Tout repose sur la qualité du projet, la force de la candidate ou du candidat. La France est à droite, mais la gauche peut progresser. Macron domine, mais il reste fragile. La droite se requinque, mais l’extrême-droite la menace. C’est la campagne des « mais ». Lever de rideau après Noël. 

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages