Palmade : ce qu’on ne dit pas

Laurent Joffrin | 17 Février 2023

Il y a dans cette affaire Pierre Palmade un non-dit assourdissant qui mérite d’être souligné. On a noté l’écrasante responsabilité du comédien, coupable d’avoir pris le volant sous l’emprise de produits stupéfiants dangereux. Par son comportement irresponsable, il a détruit la vie d’une famille, tué un bébé à naître, gravement blessé les occupants de la voiture qu’il a percutée et brisé l’enfance d’un tout jeune passager.

Mais quid de ceux qui lui ont vendu les produits dont on parle ? La question paraîtra incongrue à ceux qui tiennent cette affaire comme le résultat d’une addiction irrépressible, qu’on n’est pas loin de tenir pour une maladie banale, voire un fléau naturel, pour ainsi dire inévitable, une « fatalitas » antique dont seuls les dieux seraient responsables. Mais dans ces circonstances, les consommateurs de drogue sont-ils les seuls en cause ? On se doute que Palmade n’a pas acheté sa cocaïne en pharmacie. Il a forcément bénéficié des services d’un réseau illégal. Dès lors, faut-il effacer de cet accablant tableau le trafic qui lui a permis d’assouvir sa dangereuse passion ? Ou encore l’étrange coutume qui voudrait que l’achat de cocaïne soit considéré comme un acte anodin, festif et largement toléré, notamment dans certains milieux prospères et prestigieux, comme le spectacle, la finance ou les médias ?


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Ce qu’on dit peu, c’est que les acheteurs de coke, aussi « hype » et sympathiques soient-ils, assurent la fortune de mafias implacables, qui pratiquent couramment la torture, l’exécution sommaire, le chantage et, accessoirement, la corruption d’agents publics. On sait que ces organisations criminelles constituent dans la France d’aujourd’hui une des principales menaces contre la tranquillité des villes, la sécurité des citoyens - en priorité ceux des quartiers populaires - et la santé des démocraties, qui risquent désormais d’être soumises au pouvoir exorbitant des parrains de la drogue, à l’image de ce qui se passe dans certains pays d’Amérique latine.

La lutte contre ces réseaux est une œuvre de longue haleine, qui mobilise et mobilisera des moyens policiers importants, des crédits conséquents et des efforts collectifs qu’on ne mesure pas encore. Mais elle a pour condition une prise de conscience. À l’heure où l’on se préoccupe à juste titre de la « traçabilité » des biens en vente dans les magasins, pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’éléments nuisibles, que leur empreinte carbone n’est pas excessive ou qu’ils n’ont pas été produits par des travailleurs exploités ou par des enfants, ne pourrait-on se soucier, aussi, de la traçabilité des lignes de coke ou des comprimés du « chemsex » ? Peut-être leurs consommateurs se rendraient-ils compte, alors, qu’ils sont les pourvoyeurs de fonds de mafias impitoyables dont la puissance défie désormais les États démocratiques.

 

Credit photo :  La Libre.be
Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages