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Pour un programme culturel de gauche

Les Engagé.e.s | 12 Mai 2022

La crise sanitaire et les confinements successifs, plus tard la guerre en Ukraine, ont mis en exergue le rôle considérable de la culture pour déchiffrer le monde soudain devenu plus complexe, s’exprimer, partager à distance, s’aérer, en bref pour maintenir le vivre ensemble.

 

Ces dernières années, la culture a bien trop souvent été appréhendée sous son seul angle économique. La culture c’est, bien évidemment, l’économie de la culture, que nous pourrions aussi réduire à une analyse quantitative, chiffrée, dont le ROI est aisément calculable par secteur, par action, par engagement financier. Mais la culture doit aussi être prise en compte sous l’angle plus large de son impact politique, social, sociétal et sociologique. En ce sens, la culture, au-delà d’être créatrice d’emploi, est créatrice de valorisation individuelle et collective. Structurante de l’individu, elle le définit en tant qu’être social. Elle est facteur d’intégration, de sentiment d’appartenance, créatrice et génératrice de lien social et de lien générationnel, élément de transmission d’une histoire et d’une identité, facteur de réduction de la violence. Garante de la cohésion sociale, elle est créatrice et porteuse de sens.

Cette dimension, qualitative, de la culture s’inscrit en filigrane dans l’ensemble de notre proposition. Pour nous il ne peut y avoir de vision et de projet politique et sociétal sans une ambitieuse politique culturelle sous-jacente sans laquelle un tel projet ne saurait s’ancrer dans la réalité.

Pour autant l’enjeu d’une politique de soutien à la culture est bouleversé. D’abord parce que les acteurs de la création sont extrêmement fragilisés par presque deux ans de restrictions. Ensuite parce que les enjeux de diffusion, notamment numériques, ont franchi une nouvelle étape et qu’il est fondamental de répondre, par une offre européenne et française, aux attentes. 

 

 

La crise sanitaire et les confinements successifs, plus tard la guerre en Ukraine, ont mis en exergue le rôle considérable de la culture pour déchiffrer le monde soudain devenu plus complexe, s’exprimer, partager à distance, s’aérer, en bref pour maintenir le vivre ensemble.

 

Ces dernières années, la culture a bien trop souvent été appréhendée sous son seul angle économique. La culture c’est, bien évidemment, l’économie de la culture, que nous pourrions aussi réduire à une analyse quantitative, chiffrée, dont le ROI est aisément calculable par secteur, par action, par engagement financier. Mais la culture doit aussi être prise en compte sous l’angle plus large de son impact politique, social, sociétal et sociologique. En ce sens, la culture, au-delà d’être créatrice d’emploi, est créatrice de valorisation individuelle et collective. Structurante de l’individu, elle le définit en tant qu’être social. Elle est facteur d’intégration, de sentiment d’appartenance, créatrice et génératrice de lien social et de lien générationnel, élément de transmission d’une histoire et d’une identité, facteur de réduction de la violence. Garante de la cohésion sociale, elle est créatrice et porteuse de sens.

Cette dimension, qualitative, de la culture s’inscrit en filigrane dans l’ensemble de notre proposition. Pour nous il ne peut y avoir de vision et de projet politique et sociétal sans une ambitieuse politique culturelle sous-jacente sans laquelle un tel projet ne saurait s’ancrer dans la réalité.

 

Pour autant l’enjeu d’une politique de soutien à la culture est bouleversé. D’abord parce que les acteurs de la création sont extrêmement fragilisés par presque deux ans de restrictions. Ensuite parce que les enjeux de diffusion, notamment numériques, ont franchi une nouvelle étape et qu’il est fondamental de répondre, par une offre européenne et française, aux attentes. 

 

Le groupe de travail a estimé devoir travailler sur deux axes :

  • Le premier, qui concerne en particulier la jeunesse, porte sur l’élargissement des droits culturels. L’accès à la culture et à l’expression artistique et culturelle doit devenir un droit pour tous, dès la petite enfance. Il s’agit ici de se donner un nouveau cadre d’action en matière culturelle.
  • Le second concerne les enjeux directement issus de la crise et le besoin d’un nouvel élan culturel (Valois de la culture) : favoriser un accès en toute circonstance à la culture grâce au numérique, ce qui implique une vraie politique industrielle de diffusion, et renouveler les soutiens à la création, notamment en mettant en place une aide sociale nouvelle au parcours artistique.



1er axe de travail

Reconnaissance de nouveaux droits en matière culturelle et généralisation des pratiques d’éducation artistique et culturelle (EAC)


Aujourd’hui, il n’existe pas de droit proclamé à un haut niveau de norme (par exemple au niveau constitutionnel) pour le citoyen de se former culturellement (enjeu de l’éducation à la culture) pour apprendre à déchiffrer le réel, se divertir ou s’exprimer soi-même par la culture (pratique artistique et culturelle). Seul l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qui proclame la liberté de communication comme bien le plus précieux, présente un lien (indirect) avec cet enjeu. Le préambule de la Constitution de 1946, dans son alinéa 13 prévoit certes que « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Mais il est simplement proclamatif et sans valeur normative.

De même, les actifs culturels (par exemple entreprises de production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, les réseaux de salles de théâtre, les catalogues d’œuvres) ne sont pas regardés par la réglementation européenne comme des actifs stratégiques pour lesquels il est possible d’encadrer la liberté de circulation des capitaux. Autrement dit, les Etats ne peuvent contrôler les acquisitions effectuées par des entreprises extra-européennes. Ainsi un fonds spéculatif chinois peut par exemple acquérir librement sans aucun contrôle n’importe quelle entreprise culturelle européenne même si ce bien a une place particulière dans notre identité européenne. Les articles 64 et 65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’autorisent d’exceptions à l’interdiction des restrictions de mouvements de capitaux à l’égard des pays tiers que dans des cas limités, notamment en matière fiscale, de contrôle prudentiel ou de mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

A travers ces vides normatifs, c’est la place que nous souhaitons consacrer à la culture dans la construction du lien social et du vivre ensemble qui est posée. La crise sanitaire et les confinements successifs ont montré le rôle qui était celui de la culture. Malheureusement, nous manquons d’une capacité européenne de réponse à la demande. Au cours du premier confinement, le chiffre d’affaires des plateformes de VOD par abonnement payantes (de type Netflix ou Amazon Prime) a augmenté de plus de 43%. Il est fondamental de se doter du cadre juridique qui permettra de généraliser l’éducation artistique et de répondre à la demande par une offre européenne de qualité. 

 

Proposition n°1 : déclarer un droit à la culture et à l’expression artistique. Il n’est pas forcément évident et nécessaire de modifier la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Mais la reconnaissance à un niveau législatif est fondamentale.

Proposition n° 2 : aller au bout de l’exception culturelle en qualifiant les biens culturels d’actifs stratégiques, notamment au sens du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne au même titre qu’aujourd’hui les actifs de sécurité et de défense. Cela permettra d’instaurer un contrôle préventif des investissements extra-européens.

 

Au-delà des grands outils juridiques, un enjeu fondamental est l’accès de 100% des classes d’âge à la formation et à l’expression artistique et culturelle. Il existe aujourd’hui en France un dispositif d’éducation artistique et culturelle (EAC). Dans le dernier rapport du Ministère de la culture (septembre 2019), il est fait état en 2017-2018 d’un accès inégal au dispositif. Si, au niveau national, 82% des enfants du 1er degré y ont eu accès dans l’année (et 62% au collège), ce sont seulement 78% pour le 1er degré en quartier prioritaire (et 55% pour les collèges). Par ailleurs, seules 2 écoles sur 5 et 2 collèges sur 3 disposent d’un référent permanent.

Au sein de l’éducation artistique et culturelle, l’éducation à l’image occupe un rôle particulier. L’idée sous-jacente est qu’il faut, dans le monde d’aujourd’hui, savoir décoder, déchiffrer et produire une image comme on apprend à lire, écrire ou compter. Près de 14% des élèves (près de 1,8 millions d’élèves) bénéficient d’« École, Collège et Lycée au cinéma ». Ecole et cinéma (créé en 1994), Collège au cinéma (1989), Lycéens et apprentis au cinéma (1998) proposent aux élèves, accompagnés de leurs enseignants, de découvrir au minimum trois œuvres cinématographiques chaque année lors de projections organisées à leur intention dans des salles de cinéma. Ces opérations s’appuient sur le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Culture (DRAC) et le CNC, mais aussi les salles de cinéma, et les collectivités territoriales. 

L’objectif de 100% d’une classe d’âge n’est donc pas atteint.

Il est donc nécessaire de changer d’échelle et d’envisager la généralisation de l’éducation artistique et culturelle dès le plus jeune âge.

Chaque élève (100% d’une classe d’âge) accéderait :

  • chaque année  au dispositif d’EAC,
  • une fois dans sa scolarité à l’opportunité de rencontrer directement des groupes d’artistes dont l’art et la culture sont le métier. Cette expérience prendrait la forme de stages en immersion (répétition spectacle, atelier de l’artiste), des rencontres, des échanges autour de l’œuvre artistique, son histoire (par exemple : Jazz et Rap, leurs connivences). Cette expérience serait incluse dans le programme scolaire avec des référents transversaux aux 2 ministères qui auraient comme mission d’accentuer les liens entre les acteurs de la culture et de l’éducation nationale. Une enveloppe budgétaire distincte des sommes allouées aux ministères concernés seraient à la disposition de ces référents pour encourager les artistes à recevoir, à communiquer leurs savoirs et leurs savoir-faire aux jeunes. Cette action n’est pas à confondre, ou à supplanter, des actuelles EAC. Au contraire, elle doit permettre non pas aux créateurs (responsables de compagnies et de productions inclus) d’aller à la rencontre des jeunes mais permettre aux jeunes d’aller à la découverte in situ de la Culture et de ses protagonistes.
  • Ce réseau de référents pourrait être déployé dans les lieux culturels pour valoriser le rôle d’intermédiaire et de prescription, absolument fondamental dans une politique culturelle de l’offre. 

 

Proposition n° 3 : généralisation de l’EAC à chaque classe d’âge et chaque année scolaire et stage d’immersion et rencontre directe avec des artistes une fois dans la scolarité.

 

La mesure phare du précédent quinquennat en termes de culture est le pass Culture dont la généralisation sans conditions de ressources a été annoncée le 20 mai 2021 pour 300 euros.

Pour rappel, la promesse initiale de campagne était de donner 500 euros de pass à chaque enfant de 18 ans pour favoriser son accès à des services culturels en ligne et l’acquisition de quelques œuvres.

Les difficultés ont été plurielles :

  • Il n’y avait pas de financement prévu à l’origine : une génération en France représente 830 000 jeunes (soit un coût budgétaire annuel de 250 M€).
  • Ce qui a impliqué la recherche de co-financement, les entreprises culturelles étant supposées financer une part du pass, en échange de la possibilité pour elles de fidéliser des clients payants futurs. Aujourd'hui l’Etat n’aurait sécurisé qu’1/3 du financement.
  • Cela a mécaniquement donné une dimension consumériste entraînant la méfiance.
  • Les jeunes des départements où le pass a été expérimenté ne l’ont pas intégralement consommé.

La leçon à en tirer est qu’il n’est pas possible de supprimer la fonction du médiateur/passeur en matière culturel, et qu’à 18 ans il est déjà trop tard. Il faut intervenir dès la petite enfance pour l’ouvrir à la culture. Tout nouveau dispositif devra intégrer l’artiste ou l’enseignant. C’est la raison pour laquelle nous ferions le choix de redéployer ce budget (autour de 250 M€) au profit d’une vraie politique éducative et d’immersion.



2e axe de travail

Réforme structurelle du financement du créateur

Le Gouvernement a bien mis en place à l’automne 2020 un plan de relance en faveur de la culture, d’une enveloppe de 2 Md€ répartis de la façon suivante :

  • activité dans les territoires et attractivité de la France (614 M€),
  • reconquête de notre modèle de création et de diffusion artistique (426 M€), 
  • soutien de l’emploi artistique, redynamisation de la jeune création et modernisation du réseau des établissements d’enseignement supérieur de la Culture (113 M€),
  • consolidation et la modernisation des filières culturelles stratégiques lourdement impactées par la crise (428 M€), 
  • mise en place d’une stratégie d’avenir pour l’ensemble des industries culturelles et créatives (19 M€ de crédits budgétaires et 400 M€ au titre du PIA4).

Ce plan n’est pas dépourvu de pertinence. Il ne se contente pas d’indemniser ce qui aurait pu être et n’a pas été en raison de la crise. Il repose sur l’idée d’accélérer des projets en cours afin qu’ils exercent un effet d'entraînement sur toutes les filières.

Mais ce plan n’invente en aucune façon le monde culturel de demain.

Le premier enjeu issu de la crise, même s’il lui préexistait, est celui de l’accès le plus large aux œuvres et à leur exploitation suivie. Il est devenu impératif de penser la complémentarité entre offre culturelle numérique et offre culturelle physique. C’est la manière la plus efficace de faire rayonner la culture française à l’international. La puissance publique doit créer des incitations pour que les œuvres soient disponibles en ligne, par-delà de nos frontières :

  • que ce soit par le création d’un fonds de soutien à la numérisation des œuvres, sous forme de cofinancement privé et public ;
  • par la création de blockchains qui permettront de lutter contre la fragmentation des droits, améliorer la traçabilité des œuvres, et mettre en contact ayant-droits et exploitants (pour la musique ou le cinéma). Trop d'œuvres cinématographiques restent aujourd’hui indisponibles, imposant aux spectateurs de « subir » le catalogue limité des plateformes SMAD. Il convient de donner une vraie normativité à l’accord de 2016 sur l’exploitation suivie;
  • par la création de consortium pour proposer aux libraires des services qui leur permettraient de pouvoir disposer de leur propre offre de livres électroniques, afin que le public ne se concentre pas sur l‘offre Kindle d’Amazon.

 

Proposition n° 4 : mécanisme d’incitations pour encourager la diffusion des œuvres culturelles en ligne (soutien à la numérisation, création de consortium européen).

 

Le deuxième enjeu est le soutien à la création et aux créateurs. Il n’y a pas de création nouvelle sans originalité et il n’y a pas d’originalité sans indépendance de la création. Ainsi, si seuls les diffuseurs de biens culturels (plateformes, majors, maisons d’édition…) financent les créateurs, l’art et la culture font face à une double impasse :

  • Le diffuseur, compte-tenu de sa préférence pour le présent, sera plus sensible aux œuvres à rentabilité garantie (poursuite d’un succès établi, création d’une suite…jusqu’à la franchise). Il en ressort un grand risque de standardisation et de perte de créativité.
  • Certains artistes, « Mozarts assassinés », resteront inconnus au plus grand détriment de tous.

La France a su mettre en place différents mécanismes garantissant cette indépendance de la création, notamment pour le cinéma et l’audiovisuel en organisant le système de financement par lequel les diffuseurs (l’aval) financent les créateurs (l’amont) qui en retour les alimentent en œuvres de qualité. Ce principe se concrétise d’une double manière :

  • par une fiscalité affectée spécifique : environ 675 M€ de taxes sont versées au Centre national du cinéma et de l’image animée par les diffuseurs (salles de cinéma depuis 1948, chaînes de télévision depuis 1986, distributeurs de services de télévision dont les FAI depuis 2008, plateformes comme Netflix depuis 2018), qui financent ainsi des aides à tous les acteurs de la filière ;
  • par les « obligations de contribution à la production » : à hauteur de 1,3 Mds€, les chaînes de télévision (depuis la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, articles 27 et suivants), les plateformes françaises (depuis 2011, décret n°2010-1379 du 12 novembre 2010) et désormais les plateformes mêmes étrangères (décret n°2021-793 dit SMAD) ont l’obligation d’investir une part de leur chiffre d’affaires dans des œuvres françaises ou européennes ; 

 

Proposition n° 5 : Organiser un “Valois de la Culture”, tout remettre à plat pour créer les meilleures conditions possibles pour la création, sans doute en généralisant à toutes les formes d’art la mise en place d’un système de financement par les diffuseurs avals des créateurs amont.

 

Organiser un système macro de financement des créations (les œuvres) est fondamental mais insuffisant si les créateurs ne sont pas eux-mêmes accompagnés à titre individuel. Il faut pouvoir éviter tous les « Mozarts assassinés ». La généralisation de l’EAC envisagée dans l’axe I doit donner sa chance à tous les talents et déclencher toutes les vocations. Mais, arrivés à l’âge adulte, si chaque artiste en devenir doit, pour assurer son autonomie financière (se loger, se nourrir…) cumuler l’exercice de sa passion avec un « petit boulot » à 35h par semaine, le risque d’abandon est grand.

Le groupe de travail a envisagé les différentes contraintes et défis posés à l’artiste en devenir : accès au logement, accès à des emplois avec horaires aménagés.

In fine, il est apparu plus pertinent d’envisager clairement la mise en place d’une aide au parcours artistique, autour de 1000 euros par mois en fonction des revenus dont l’artiste dispose déjà au titre de ses créations, acquise pour 5 ans, comme le sont les allocations de recherche pour les doctorants.

Auraient accès à cette aide les jeunes artistes ayant déjà :

- réalisé par eux-mêmes certains projets artistiques, évalués par une commission d’artiste (sur le modèle de l’aide du CNC au parcours d’auteur),

- étant en mesure de présenter régulièrement des travaux intermédiaires…

Cette aide serait articulée avec les autres dispositifs existants : 

  • par exemple les jeunes artistes lorsqu’ils intègrent des résidences de création, qui se sont largement développées dans tous les champs artistiques et qui sont de formidables lieux d’échange, d’expérimentation et de structuration professionnelle, ils continueraient à percevoir l’aide au parcours artistique ;
  • elle serait alternative aux thèses « SACRe » qui encouragent la « recherche-création » interdisciplinaire sous forme de formation doctorale.

 

Proposition n° 6 : Mettre en place une aide sociale au parcours artistique afin de permettre aux jeunes artistes de se concentrer sur leur pratique créative, sans avoir à cumuler leur passion avec un emploi à côté

 

Une fois les artistes consolidées dans leur vocation, il s’agit de savoir rémunérer correctement leur participation à des actions autour des œuvres (cf axe 1 ci-dessus). Les auteurs sont sollicités à tous les niveaux : participation à des actions relevant de l’EAC ou encore à la présentation de leurs œuvres en festivals (qu’ils contribuent d’ailleurs à faire rayonner)…Il s’agirait de faire en sorte que toute la chaîne de valeur se mobilise autour de la rémunération de ses créateurs (à l’image de l'accord pour la mise en œuvre de la rémunération des dédicaces des auteurs et des autrices de bande dessinée dans les festivals).

Bien entendu, aucune rémunération ne serait versée aux artistes installés dont les revenus réguliers sont supérieurs à un seuil, par exemple de 60K€/an.

 

Proposition n° 7 : Systématiser la rémunération des artistes en exercice lorsqu’ils prennent part à des actions gratuites au bénéfice des spectateurs autour de leurs œuvres afin de leur assurer des revenus accessoires réguliers participant ainsi à la pérennisation de leurs parcours

 

Créer les conditions qui permettent à tout créateur de pouvoir valoriser ses talents par l’accès à l’éducation, à des conditions de travail et de vie qui favorisent la création, la diversité et la mise à disposition du plus grand nombre des œuvres, à l’accès aux financements de la création et des industries créatives, est une excellente chose. C’est le sens des propositions n°4, 5, 6 et 7. Mais une fois le succès atteint, il s’agit aussi de protéger les droits de l’artiste et de l’auteur, en particulier vis-à-vis des SMAD dont la puissance de négociation est sans commune mesure. 

La transposition de la directive droits d’auteur (2017/790 du 17 avril 2019) par l’ordonnance du 12 mai 2021 apporte une réponse, en garantissant la rémunération des créateurs en cas de succès et le respect du droit d’auteur

Mais il reste un trou dans la raquette : la rémunération du travail amont de l’artiste, l’écriture, les projets abandonnés. Il faut par ailleurs s’assurer que l’auteur a accès aux données correspondant à ses œuvres et pourquoi pas imposer un revenu minimum par stream pour certaines catégories d'œuvres. 

Il ne peut pas y avoir de politique culturelle sérieuse sans évoquer le sujet des plateformes numériques et du droit d’auteur. Internet évolue vers un modèle économique de la licence. C’est vrai depuis longtemps dans la musique, et depuis moins longtemps pour les images et la presse. Trop souvent, les négociations entre ayant-droits et plateformes numériques sont déséquilibrées au profit des seconds. Il revient aux pouvoirs publics de veiller à rétablir le rapport de force en rendant ces négociations obligatoires, tripartites, avec un médiateur éventuellement, en ayant recours à des sanctions en cas d’échec. 

La transposition de la directive SMA (décret SMAD) va dans le bon sens d’une adaptation de nos mécanismes d’exception culturelle à l’ère numérique, mais il faut aller plus loin, en traitant la question de l’exposition des œuvres sur les plateformes, en exigeant des audits réguliers des algorithmes par des personnes compétentes (nul besoin d’exiger la transparence des algorithmes, l’important est que ceux-ci soient contrôlées par un tiers indépendant). 

De manière générale, la transparence est un préalable à la bonne santé de tout secteur d’activité humaine. Mais elle n’est pas toujours garantie en matière culturelle. La détention des droits, et les remontées de recettes entre producteurs, créateurs, distributeurs d’œuvres n’est pas toujours transparente. Les exemples d’artistes abusés par des intermédiaires sont nombreux. 

Cela nuit directement au créateur qui ne reçoit pas toujours la rémunération de son art. Cela nuit indirectement au financement de tout le secteur car l’épargne et les investissements ne se dirigent jamais spontanément vers les secteurs opaques composés de « boites noires ».  A une époque où le crowdfundind se développe pour le préfinancement d’artistes et au sortir d’une crise qui a renforcé le niveau d’épargne des français (160 Mds€ d’épargne accumulée au cours de la crise sanitaire), c’est un handicap.

A ce titre les technologies de Blockchain peuvent être une solution : les pouvoirs publics garantiraient l’intégrité de mécanismes automatisés de transmission de l’information et d’exécution (smart contracts) des remontées de recettes.

Proposition n° 8 : Créer l’acte II de l’exception culturelle à l’ère du numérique en généralisant le modèle économique de la licence, en favorisant la mise en avant des œuvres culturelles françaises et européennes, en auditant régulièrement les algorithmes et en organisant le déploiement de technologies de type Blockchain dont l’intégrité serait garantie par les pouvoirs publics (Etat, établissements publics culturels).

 

 

Auteurs, notamment : Maxime Boutron et Juliette Gernez

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