Pourquoi Meloni

Laurent Joffrin | 27 Septembre 2022

Sur un motif très « travail, famille, patrie », une militante formée par le néofascisme remporte haut la main les élections italiennes. Le parti de Giorgia Meloni, « Fratelli d’Italia », obtient 26% des voix, au sein d’une coalition de la droite dure qui réunit 44% des suffrages ; il est en position de diriger le gouvernement italien avec une nette majorité à la Chambre des députés et au Sénat. Si l’on a écouté ou lu ses discours, il faut s’attendre à une politique dirigée avant tout contre les étrangers, les femmes, les homosexuels, ultraconservatrice et nationaliste, même si - hommage du vice à la vertu - l’extrême-droite italienne ne souhaite pas rompre avec l’Union européenne dans un pays qui dépend des aides de Bruxelles pour soutenir son économie minée par la dette. Un élément résume la situation : un parti se présente comme le modérateur de cette coalition excentrée… celui de Silvio Berlusconi, le précurseur du populisme européen !

La division du camp opposé, avec une gauche réduite à un quart des voix, explique en partie cette désastreuse victoire, ainsi que le rôle tenu par le chef de la Ligue, Matteo Salvini, dont les outrances ont offert, un peu comme en France avec Éric Zemmour, un brevet de respectabilité à la cheffe de l’autre branche de l’extrême-droite.

Mais si l’on cherche une cause plus profonde, on ne mettra pas longtemps à constater qu’elle est la même qu’en Hongrie, en Pologne, en Suède ou en Grande-Bretagne avec le Brexit. Georgia Meloni a fait campagne sur trois thèmes : l’immigration, l’insécurité, les valeurs traditionnelles. En votant pour elle, les classes populaires et moyennes italiennes expriment leur inquiétude devant une ouverture internationale et culturelle qui a bousculé leurs points de repère et qu’elles ressentent comme une menace existentielle. Ordre et identité : ainsi peut-on résumer l’aspiration de ces électeurs déboussolés.


La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner


On doit bien sûr dénoncer hautement les dangers d’une telle politique, qui met en péril les conquêtes obtenues depuis des lustres par les progressistes, notamment pour faire valoir le droit des femmes ou l’accueil des étrangers. Mais la protestation risque fort de ne pas suffire : sans un projet alternatif qui offre une réponse crédible et démocratique aux questions posées par l’insécurité et l’immigration, sans un discours qui affirme l’identité républicaine et un programme social qui rassure les classes populaires sur leur avenir, il faut craindre que partout, en France notamment, les mêmes causes produisent les mêmes effets.

 

Crédit photo : Depositphotos

 


Et aussi

 

Le gouvernement présente son projet de budget pour 2023. On peut déplorer tel ou tel de ses aspects, juger certaines actions insuffisantes, contester ses priorités. Mais avant d’entrer dans l’analyse poste par poste, on doit remarquer que la plupart des ministères voient leurs crédits augmenter. Rien d’étonnant, dira-t-on, la reprise vigoureuse de l’année post-covid et l’inflation ont fait croître les recettes de manière inhabituelle, tandis que les demandes pressantes émanant de la société exigent de l’État un surcroît de dépenses. Ce qui conduit tout de même à une interrogation pour la gauche, du moins pour celle qui conteste ardemment le « productivisme » et plaide pour une décroissance de l’économie : avec un PIB décroissant, tout gouvernement responsable serait contraint de présenter un budget où la plupart des crédits seraient en baisse. Question : comment, dans ces conditions, répondre aux légitimes revendications populaires ?

 

Quelque 1500 personnes ont répondu dimanche à l’appel de Carole Delga, qui plaide, entre autres, pour un projet de type social-démocrate, démocratique et décentralisateur, et pour une gauche dégagée de la domination de LFI. Petit à petit, l’idée d’une union rééquilibrée par l’affirmation d’une gauche réformiste sans complexes fait son chemin…

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages