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Projet de texte fondateur commun - Version provisioire
Chères amies, Chers amis,
Je vous présente, dans ses grandes lignes, le projet de texte que nous souhaitons voir sortir de ce premier séminaire de la gauche d’action. C’est un texte provisoire, un premier projet, qui sera évidemment amendé en fonction de nos débats.
Nous, sociaux-démocrates, républicains, sommes déterminés à relever le drapeau de la gauche responsable. Nous sommes les héritiers d’une longue histoire de luttes sociales et de réformes de justice qui est celle du socialisme français. Nous refusons, quoi qu’il arrive dans cette campagne difficile, de voir cette gauche s’effacer de la scène politique nationale.
Cette réunion n’est pas une réunion secrète, mais ce n’est pas une réunion publique. Elle n’est pas liée à la campagne en cours. Nous parlons ici de nos perspectives à moyen terme, c’est-à-dire du renouveau nécessaire de la social-démocratie en France, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle.
C’est pourquoi nous élaborons ensemble ce manifeste de la gauche d’action.
Nous sommes sûrs que les défis de l’avenir imposent une politique fondée sur la justice et sur la maîtrise collective du destin national. Cela passe par la mise en oeuvre d’un projet audacieux et crédible, loin des incantations d’une radicalité agressive. Pour nous, seule une gauche responsable, consciente des contraintes du gouvernement, peut transformer le pays.
Je l’ai pour l’instant formulé sous la forme de douze thèses, qui seront nécessairement générales, et non-exhaustives. Ces thèses traduisent de manière résumée les réflexions et les propositions contenues dans les textes de Debout les socialistes, de Nouvelle Société et de la plate-forme des Engagé.e.s. Je le répète, notre projet évoluera en fonction de nos débats.
1. DEUX THÈSES DE PRINCIPE
Première thèse : notre ambition est et reste de maîtriser l’économie pour la mettre au service de l’humain. C’est le but permanent de la social-démocratie. Paradoxalement, alors même que la gauche sociale-démocrate est en difficulté, la crise sanitaire vient conforter nos conceptions : dans la plupart des pays, la lutte contre la pandémie a démontré l’importance cruciale de l’intervention publique et de la mobilisation de la société civile et civique. Il s’agit bien sûr de la politique de santé, avec les épreuves imposées à notre système sanitaire.
Mais aussi de l’économie, qui n’aurait pas surmonté cette crise sans l’action financière et d’orientation menée par les États. Cette réalité évidente est une réfutation spectaculaire du laissez-faire libéral qui a dominé la période antérieure.
Cela montre bien que, quelle que soit son efficacité économique, le capitalisme laissé à lui-même engendre injustice sociale et prédation de la nature. Faute de l’avoir combattu, le quinquennat Macron, inspiré d’un libéralisme hors d’âge, nous laisse en héritage une classe moyenne désemparée, des classes populaires souvent plongées dans l’amertume et la révolte, un retard inquiétant dans la lutte contre le dérèglement climatique, 6 millions de chômeurs malgré la reprise en cours, 11 millions de pauvres et 300 000 sans-abris.
La première tâche de la social-démocratie consiste donc à maîtriser ce système exubérant et dangereux, dans le sens de la justice sociale et de l’écologie, précisément par l’intervention publique et la mobilisation civique.
2. NOTRE UTOPIE
Deuxièmement, cette intervention publique se fonde sur les valeurs humanistes héritées de Lumières et sur les bases philosophiques de la République. Elle a pour boussole l’avènement d’une société d’émancipation. Il s’agit, plus que jamais, de viser « l’émancipation de l’humanité pour elle-même et par elle-même ». Nous voulons aboutir à une société où chacune et chacun sera en mesure d’exercer son pouvoir d’agir, selon ses talents et ses rêves, pour faire sa vie, en coopération avec les autres.
Je parle ici, en quelque sorte, de la cité illuminée sur la colline. Même les sociaux-démocrates ont besoin d’utopie. Mais leur originalité, c’est qu’ils ne se contentent pas d’évoquer cette cité idéale : ils savent qu’il faut emprunter des chemins escarpés pour y parvenir. Ce sont ceux du progrès humain, fondé sur des réformes continues et patientes.
3. LA MUTATION SOCIALE ET ÉCOLOGIQUE
Troisième thèse, la grande tâche des décennies à venir sera d’organiser la mutation sociale et écologique de notre pays, en faisant fond sur la raison, sur la science et sur un nouveau mode de vie respectueux de la nature. Là aussi, seuls les outils de la social-démocratie – planification, négociation sociale, action militante et civique, investissements collectifs, services publics confortés et modernisés - peuvent assurer la réussite de cette mission historique, qui suppose une politique de progrès pour tous.
La planification dont nous parlons sera industrielle et écologique, en mettant fin au financement public des industries les plus polluantes et en prévoyant des investissements massifs dans la transition énergétique. Il faudra donner la priorité aux énergies renouvelables, celles d’aujourd’hui, le solaire ou l’éolien, mais aussi celles de demain, l’hydrogène et d’autres technologies, bénéfiques pour le climat. Mais il est impossible de négliger l’énergie nucléaire, qui a le mérite d’exister et d’être pour l’essentiel décarbonée. Ce qui suppose non seulement de maintenir les centrales existantes, mais aussi d’investir dans la recherche et dans la modernisation du parc, dans le respect pointilleux des normes de sécurité.
4. NON À LA DÉCROISSANCE
C’est dire – et c’est le quatrième point - que nous nous distinguons des courants collapsologues, ou décroissants, qui emmènent, tels les joueurs de flûte de Hamelin, une partie des militants écologistes et une partie des jeunes générations sensibles à la question du climat, vers un avenir de décroissance, c’est-à-dire d’austérité et de régression sociale. Il s’agit de redéfinir de l’idée de progrès et non de l’abandonner au profit de je ne sais quelle religion de la nature.
5. LE TRAVAIL
Pour cette raison, cinquième thèse, cette mutation écologique a pour préalable la revalorisation du travail. Le travail reste le principal moyen d’intégration dans la société et la première source de dignité pour les citoyens. Autrement dit, nous ne croyons pas aux thèses en vogue résumées par le slogan : la fin du travail.
Pour être le parti de la mutation écologique, la social-démocratie doit aussi redevenir le parti des travailleurs, celui des classes populaires et des classes moyennes.
- D’où la nécessité de lutter pour le pouvoir d’achat et les conditions de travail, mais aussi d’étendre les droits des travailleurs dans l’entreprise pour donner un sens, individuel et collectif, au travail salarié.
- D’où la nécessité de remédier à la précarité par une modernisation du droit social.
- Il nous appartient, plus généralement, grâce au progrès technologique et scientifique, de faire disparaître les tâches avilissantes et de promouvoir un travail nouveau, fondé davantage sur l’autonomie, la mobilité choisie et la formation tout au long de la vie.
6. LA CRÉDIBILITÉ
Mais, sixièmement, ce programme de revalorisation du travail, comme l’ensemble du projet, doit être marqué du signe de la crédibilité. Il doit être financé, sachant que de nouvelles menaces pèsent sur l’économie mondiale : l’inflation qui renaît, et le gonflement abyssal des dettes publiques, qui peuvent être différées, rééchelonnées, mais certainement pas effacées d’un coup d’ardoise magique.
La revalorisation du travail et la mutation écologique, doivent être aussi fondées sur une réindustrialisation et une relocalisation de notre économie, qui suppose un amendement très net au libre-échange jusqu’ici dominant, et la mise en œuvre d’une politique industrielle volontaire et négociée dans la cadre de la planification démocratique.
7. UNIVERSALISME ET DISCRIMINATIONS
Il s’agit ensuite, septième thèse, de réunifier une société déchirée par les inégalités sociales et territoriales et trop souvent divisée par les appartenances communautaires. Nous récusons tout relativisme et de toute dérive racialiste. Nous sommes plus que jamais attachés aux principes universels d’égalité, de raison, de laïcité et d’émancipation des individus face aux préjugés de l’obscurantisme, aux mensonges des démagogues populistes et aux « vérités alternatives » du complotisme.
Mais cette promesse républicaine ne peut être tenue sans une lutte volontariste contre les discriminations de tous ordres, celles qui handicapent les classes populaires, celles qui frappent les femmes et que le nouveau féminisme et le mouvement metoo ont mises en évidence, celles qui ont relégué les minorités issues de l’immigration dans des ghettos sociaux et culturels. Cette lutte a pour corollaire un combat énergique contre les atteintes à la laïcité, les dérives communautaires et les menées de l’islamisme. C’est le projet de la République sociale, de la République pour tous.
8. ÉDUCATION
Cette politique, huitièmement, passe par un effort éducatif redoublé. L’école reste la matrice de la République et la pratique culturelle le moyen de l’émancipation. Éducation et culture sont deux priorités de la République sociale. L’école a pour but de transmettre les connaissances et notamment un socle commun de savoirs fondamentaux. Mais l’école doit aussi mieux assurer l’égalité, quand on sait que les disparités de niveau sont la première cause des résultats insuffisants de l’école française dans les classements internationaux. Cela passe par la revalorisation du revenu des enseignants, par la lutte contre le décrochage scolaire, déjà entamés sous le quinquennat Hollande, par la résorption des ghettos scolaires, par le rétablissement de la confiance entre parents et enseignants. Cela passe enfin par un meilleur enseignement de la laïcité, en renforçant les programmes d’éducation civique et d’éducation aux médias.
9. DÉMOCRATISER LA Vème RÉPUBLIQUE
Neuvième thèse : la Vème République est minée par l’abstention, la défiance envers les élus, le mal populiste et nationaliste. Elle doit être démocratisée.
Mais avant de parler institutions, il faut rappeler le rôle essentiel de la culture, non seulement dans l’élévation de l’esprit commun, dans le rapport à la beauté et aux œuvres, mais aussi dans le fonctionnement d’une démocratie digne de ce nom. Tout projet social-démocrate comprend une attention particulière à la politique culturelle, qui doit retrouver son ampleur et son sens, en sécurisant la vie des artistes et des créateurs, en défendant pied à pied les productions nationales, notamment face à la domination anglo-saxonne sur les industries culturelles. Répétons-le, la diffusion de la culture est un facteur décisif du bon fonctionnement de la démocratie.
Sur le plan politique, nous voulons, tout autant, revaloriser le rôle du Parlement et instaurer l’intervention populaire dans la marche des affaires publiques, par exemple en facilitant les référendums d’initiative citoyenne. Enfin, face à un État encore trop jacobin qui tend à confisquer le pouvoir, nous voulons franchir une nouvelle étape dans la décentralisation de notre pays.
10. IMMIGRATION, INTÉGRATION
Dixième thèse : face aux obsessions xénophobes de l’extrême-droite, la France doit rester une terre d’accueil pour les réprouvés. En revanche, elle ne saurait consacrer un « droit d’installation » sans limite qui verrait tout arrivant s’établir sans contrôle sur le territoire national. Tout programme de gauche doit comprendre une politique d’immigration claire, à la fois généreuse et ferme. Elle passe par le renforcement des moyens d’intégration des minorités venues d’ailleurs, par une meilleure répartition sur le territoire et par une meilleure solidarité entre les États membres de l’Union européenne.
11. LA SÉCURITÉ
Onzième point. La montée des agressions violentes contre les personnes, ou encore la persistance dramatique des féminicides, doivent retenir au premier chef l’attention d’une gauche du réel. Les agressions de toutes sortes perturbent la tranquillité de tous, mais frappent en priorité les classes les plus démunies. Tout projet de gauche suppose la mise en œuvre d’une politique de sécurité républicaine, à la fois ferme et respectueuse des libertés. Cela passe par une réforme et un renforcement des services de police, un accroissement des moyens de la justice, et aussi par un travail de réconciliation de la police avec l’ensemble de la population, notamment dans les quartiers difficiles.
12. LA FRANCE DANS LE MONDE
Enfin, dernière thèse. Nous devons prendre en charge la sécurité du pays et le rôle international de la France, dans un monde menacé par le terrorisme, par d’innombrables conflits armés et par l’agressivité des nouveaux empires de Chine ou de Russie. C’est-à-dire nous appuyer sur un outil de défense modernisé, respecter nos alliances et non rester dans l’ambigüité face aux dictatures, et concourir à un effort de défense européen. Dans un monde dont le centre de gravité se déplace vers l’est, nous soutenons la construction d’une Europe unie et indépendante qui joue son rôle sur l’échiquier planétaire, face aux empires. Cette Europe doit être mise au service des peuples et renforcer son action commune en faveur de la mutation écologique, de l’équilibre social et de la défense des droits humains. Nous sommes résolument européens, mais nous ne négligeons rien des prérogatives nationales qui nous incombent.
Enfin, nous sommes certains que l’influence de la France, patrie de la liberté et respectée comme telle, dépend aussi de sa capacité à construire une société juste, équilibrée, conforme à ses valeurs.
Le projet qui est le nôtre a aussi ce rôle :
faire en sorte que la France se dote d’un modèle social et politique original, qui porte plus loin les valeurs progressistes.
À cette condition, notre pays relèvera le flambeau de la liberté et de l’égalité, pour devenir un exemple parmi les nations.