Questions sur une grève

Laurent Joffrin | 18 Octobre 2022

Une grève légitime ? Oui, absolument. Rappelons le contexte : depuis plus de vingt ans, le salaire réel (inflation déduite) a progressé en France de quelque 1% par an. Autrement dit, avec une inflation soudain portée à 7% en 2022, et si rien ne s’était passé, le pouvoir d’achat des salariés français aurait fait un bond de sept ans en arrière. Qui peut reprocher aux syndicats de défendre leurs mandants dans ces conditions ? Il est juste qu’ils se mobilisent, de même que la gauche a raison de défiler pour les appuyer.

Ce qui ne saurait éluder quelques questions plus embarrassantes.

  1. Remarque anecdotique mais aussi symbolique : pourquoi gonfler de cette manière le chiffre des manifestants de dimanche ? Quelque 140 000 pour les organisateurs, environ 30 000 selon la police et, surtout, selon le cabinet Occurrence, dont les chiffres et la méthode ont plusieurs fois été vérifiés par les journaux sérieux. L’écart a quelque chose de ridicule et mine le crédit des animateurs de la marche. Après tout, plusieurs dizaines de milliers de participants, ce n’est pas si mal. Dans le domaine, les tartarinades des chefs de LFI se retournent contre eux : s’ils donnent des faux chiffres, c’est que les vrais sont décevants. Une bonne partie de l’opinion conclut à l’échec, alors que la performance est honorable…

  2. On tend à confondre, dans beaucoup de commentaires, « les syndicats » et la CGT. Or il se trouve que les organisations de salariés sont en fait divisées. Premier syndicat de France, la CFDT considère – avec la CGC - que le compromis obtenu chez Total est satisfaisant. Elle a signé pour 7% d’augmentation et une prime substantielle. La CGT veut plus, mais elle est désormais seule en piste dans les raffineries et doit la poursuite du mouvement au fait qu’elle est influente chez les opérateurs qui commandent la distribution. Doit-on à toute force poursuivre une grève minoritaire et de plus en plus impopulaire ?

  3. La CGT cherche à étendre le mouvement à d’autres secteurs, d’où la journée d’action de ce mardi. Tactique logique mais que la CFDT réprouve, préférant les négociations entreprise par entreprise. Personne ne peut dire qu’elle a forcément tort.

  4. En se rangeant derrière Mélenchon qui se range derrière la CGT, le PS choisit une nouvelle fois le syndicat le plus radical, alors que son orientation générale devrait le rapprocher de la CFDT ou, à tout le moins, l’inciter à tenir la balance égale entre les deux organisations. Rappelons qu’en dépit des commentateurs, qui ne cessent d’invoquer « la radicalité-qui-progresse-en-France », c’est la CFDT qui progresse dans les élections professionnelles, et non la CGT.  

 

Crédit photo : Damien Meyer Agence France-Presse

 


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En Grande-Bretagne, chaque jour qui passe démontre l’inanité du Brexit. « Take back control » (« reprenons le contrôle »), tel était le slogan du « leave ». En réalité, ce sont les marchés et le FMI qui viennent de prendre le contrôle de la politique économique britannique, en exigeant l’abandon du programme concocté par le gouvernement de Londres, lequel a aussitôt obtempéré. Première ministre qui a perdu sa souveraineté, Liz Truss, humiliée par la finance, est désormais en sursis.

 

Juste tribune de la socialiste Corinne Narassiguin dans Le Monde : contrairement à ce que disent certains ou certaines, on ne peut mettre sur le même plan l’obligation de porter le voile en Iran et l’interdiction du voile dans les salles de classe. Celles qui ne portent pas le voile en Iran risque leur liberté et parfois leur vie. Celles qui portent le voile à l’école n’encourent qu’une sanction scolaire. Aussi bien, il faut défendre le droit de porter le voile hors de l’école au nom de la laïcité, qui garantit la liberté de culte et de conscience et autorise les signes religieux dans la rue. Mais pas au nom du féminisme : en tout état de cause, le voile implique la soumission de la femme à des dogmes religieux et sexistes.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages