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Ruissellement vers le haut - Lettre politique #124
« Premiers de cordée »… On croyait à un slogan maladroit qui tressait des lauriers inopportuns aux gagnants de la société française, une de ces saillies macroniennes qu’on pouvait tenir pour regrettables mais symboliques. Erreur : l’aphorisme définissait en fait une politique. Organisme respecté et fiable l’Institut des politiques publiques (IPP) vient d’en administrer la preuve.
Selon ses minutieux calculs, il apparaît que les fiers grimpeurs de tête, objets de la sollicitude du président, sont les principaux bénéficiaires du quinquennat qui s’achève. Les gagnants de la compétition économiques sont aussi les gagnants de la redistribution, qui a ainsi fonctionné à l’envers sous l’égide du président actuel. C’est le « ruissellement » annoncé, mais un ruissellement vers le haut…
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Pour ne pas être accusé de parti-pris, citons le Figaro, journal peu suspect de tropisme socialisant, qui rend compte de l’étude : « Selon les économistes de l'institut, la plus importante progression (en pourcentage) s'observe chez les 1% les plus riches, avec un gain moyen de 2,8% de leur niveau de vie – ils ont en particulier bénéficié en début de quinquennat de la suppression de l'ISF, remplacé par l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI), ou encore de l'instauration du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital. Viennent ensuite les ménages situés entre le 6e et 7e centile et encore ceux entre le 11e et le 16e centile de niveau de vie (+2% environ), soit une partie de la classe populaire. A contrario, les 5% les plus pauvres voient leur niveau de vie s'étioler de 0,5%. Cela tient surtout au fait que l'exécutif a choisi de favoriser globalement le travail. Le coauteur de l'étude, Paul Dutronc-Postel, insiste sur « l'hétérogénéité des cas au sein des ménages d'un même centième ». Ainsi au sein du premier centième, dont le niveau de vie a globalement augmenté de 2,8 %, de fortes disparités s'observent. Le premier millième bénéficie d'une augmentation de 4 % de son niveau de vie et le dixième, de « seulement » 1,8 %.
Le président a voulu être celui de ceux qui travaillent. Cela pouvait se défendre, même si c’est implicitement rendre ceux qui ne travaillent pas responsables de leur infortune, antienne libérale. Mais parmi ceux-là, ce sont les très riches qui remportent le gros lot, puis les riches, enfin les moins riches et en lanterne rouge pour la progression du revenu, les plus pauvres. Ce qui revient à aider ceux qui n’en n’ont pas besoin, au détriment de ceux qui dépendent de la solidarité publique. Il y a bien, là-dessous, une philosophie.
Un peu plus tôt, les services de Bercy avaient pondu une note qui offrait un tableau différent : on y lisait que les moins favorisés avaient au contraire vu leur revenu progresser autant ou plus que les autres. L’IPP s’est expliqué sur cette contradiction : à la différence des services officiels, l’Institut a pris en compte les mesures prises par l’actuel occupant de l’Élysée et non celles qui émanent de son prédécesseur. Autrement dit, Hollande avait aidé les plus modestes, quitte à taxer les plus aisés. Macron a fait le contraire. On dira ensuite que toutes les politiques se ressemblent…