Sagesse d'une femme voilée - Lettre politique #84

Laurent Joffrin | 20 Avr. 2021

Emmanuel Macron est en visite dans le quartier de la Paillade à Montpellier, « zone sensible », comme l’on dit, qui concentre, à l’instar de centaines de quartiers en France, le chômage, la pauvreté, la délinquance et le trafic de stupéfiants.

Une jeune mère de famille – voilée – l’interpelle sur la non-mixité qui règne dans son quartier. Mon fils, dit-elle, m’a demandé si le prénom « Pierre » existait vraiment en dehors des livres d’histoire. Autrement dit, on le devine, elle se plaint de voir les écoles de son voisinage fréquentées par les seuls musulmans. Elle ajoute que, devant les difficultés éprouvées par le collège public proche de chez elle, elle a inscrit un de ses enfants dans une école privée catholique. Surpris, le président reste court, lui qui ne manque pas de répartie. La même jeune femme, soutenue par d’autres habitants du quartier, approuve la présence de policiers dans son voisinage et note qu’il en ressort un sentiment de meilleure sécurité.


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Voilà qui devrait faire réfléchir, à droite et à gauche. À droite : ainsi une « femme voilée » tient un discours d’intégration – et non « d’assimilation », puisqu’elle manifeste sa religion musulmane par un signe religieux ostensible. Un discours qui est exactement celui que les républicains de stricte obédience souhaitent entendre. Dans le même temps, la majorité sénatoriale, de droite, vote une disposition qui interdirait aux femmes voilées de participer à des sorties scolaires. Ainsi selon la même droite, cette jeune femme, qui souscrit, de toute évidence, aux principes de la République et qui n’est guère sectaire envers l’enseignement catholique, devrait se voir interdire d’accompagner des enfants allant visiter un musée, un château du Moyen-Âge ou une église. Est-ce bien raisonnable ? Comment, dans cette hypothèse, la minorité musulmane pourrait-elle s’empêcher de voir, dans cette proposition, une mesure discriminatoire ? C’est l’obsession identitaire qui anime en l’occurrence la majorité sénatoriale, et non la défense des préceptes laïques et républicains.

Pour la gauche : la revendication d’une meilleure sécurité, d’une présence policière, du règne de la loi émane non d’idéologues « sécuritaires » mais des habitants eux-mêmes, issus ou non de l’immigration. À côté de cette parole authentique, les paresseuses procrastinations prônées par de bons esprits progressistes apparaissent pour ce qu’elles sont : une ignorance du réel. Michaël Delafosse, maire socialiste de Montpellier, l’a bien compris, qui veut mettre en œuvre, sur les questions de sécurité, un discours à la fois ferme et républicain.

Au sein du mouvement Engageons-nous, nous avons tenté d’approfondir le sujet. Il en ressort au moins deux idées :

  1. On ne réglera pas cette question sans mener une politique volontaire de mixité sociale et culturelle. Par exemple en luttant concrètement contre la « ghettoïsation », c’est-à-dire en imposant par la loi la construction de logements sociaux dans toutes les communes (ce que la droite récuse dans les communes qu’elle dirige) et en instaurant symétriquement un plafond de logements sociaux dans les communes les plus sensibles, de manière à répartir de manière équilibrée les populations les plus pauvres, qui sont souvent issues de l’immigration.
  2. On ne répondra pas non plus aux demandes des classes populaires sans une stratégie cohérente de lutte contre la délinquance, qui conjugue une sanction claire des comportements criminels avec une action sociale et de prévention qui implique tous les acteurs, élus, associations, forces de l’ordre et responsables éducatifs.

C’est, en tout cas, l’exigence populaire qui se dégage de la visite d’Emmanuel Macron à Montpellier. Encore faut-il l’entendre…

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages