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Sarkozy, Macron, Le Pen, Mélenchon : union sacrée contre la justice - Lettre politique #70
La presse n’a pas assez relevé, à quelques exceptions près, l’incroyable irresponsabilité montrée par Nicolas Sarkozy et ses soutiens après sa condamnation à trois ans de prison, dont un an ferme. Pour l’ancien Président, les juges ont réglé leurs comptes avec lui au mépris de tous les principes du droit et certains d’entre eux, ceux du Parquet financier notamment, ont agi sur ordre d’une mystérieuse entité politique.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Nicolas Sarkozy eût certes été fondé à contester, en droit et en fait, le jugement rendu à son encontre ; il est d’ailleurs possible que la Cour d’appel, in fine, lui donne raison. Mais au lieu d’adopter cette légitime stratégie de défense, il s’est lancé dans une campagne de dénigrement globale et agressive envers les juges, qui n’aura d’autre effet que d’alimenter la défiance générale des Français envers les institutions judiciaires et les institutions tout court. Si un ancien président exprime une telle animosité envers une procédure où trois instances distinctes – le parquet, les juges d’instruction et le tribunal correctionnel – ont estimé nécessaire, l’un d’enquêter, les deuxièmes de le renvoyer en procès, les troisièmes de le condamner – si ces magistrats, donc, ont agit par vindicte ou sur ordre, tout justiciable est désormais fondé à rejeter les décisions de justice, à imputer à la manipulation toute sanction pénale, à accuser tout magistrat de partialité politique ou corporative. Rappelons que la droite française fustige par ailleurs l’insuffisance des mesures de répression prononcées par la justice. Mais si cette justice n’est pas fiable, pourquoi exiger qu’elle fasse preuve d’une sévérité accrue ? Dans l’optique Sarkozy, ce serait multiplier les erreurs judiciaires…
On mesure mieux la conception sarkozienne de la justice quand on lit l’article d’un bon journaliste politique, Bruno Jeudy, dans Paris-Match cette semaine. Pour écrire son récit, celui-ci a bénéficié des confidences de l’ancien président, qui sont fort éclairantes. On y apprend d’abord qu’Emmanuel Macron a tenu à appeler aussitôt Nicolas Sarkozy pour le réconforter. La conversation a duré un quart d’heure, ce qui témoigne d’une touchante sollicitude. Il est vrai que Nicolas Sarkozy, à la télévision, a laissé en suspens son choix pour 2022, laissant entendre qu’il pourrait, après tout, soutenir l’actuel président autant qu’un candidat LR…
On y apprend surtout qu’il aurait espéré voir l’exécutif intervenir auprès du Parquet financier pour modifier le cours de la procédure en sa faveur. Ainsi pour l’ancien président, il eût été légitime pour l’exécutif de s’ingérer dans une affaire judiciaire en cours. Ingérence qu’il dénonce par ailleurs en sous-entendant, sans aucun indice factuel, que la gauche en est responsable… Ainsi, aux yeux de Nicolas Sarkozy, il faut dénoncer « une justice aux ordres », sauf quand ces ordres pourraient lui être favorables.
Bruno Jeudy relève aussi que les ministres de la droite macroniste – Lemaire, Darmanin, Riester – ainsi que Richard Ferrand, président de l’assemblée nationale, ont témoigné de leur solidarité envers le condamné. Ainsi une grande partie de la macronie soutient Nicolas Sarkozy et cautionne, de facto, ses philippiques envers la magistrature française. On doutera après cela de l’orientation politique adoptée par le président actuel et par sa majorité.
Il est vrai que les macronistes et LR ne sont pas les seuls à vouloir détruire la réputation de la justice. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont, eux aussi, dénoncé les décisions du tribunal de Paris. Étrange coïncidence : ils sont, eux aussi, sous le coup de procédures fort embarrassantes…. Sarkozy, Macron, Le Pen, Mélenchon : une émouvante union sacrée.