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Socialistes, disparaissez ! - Lettre politique #110
Voilà qui n’a pas traîné. À peine Yannick Jadot était-il proclamé vainqueur de la primaire écologiste face à Sandrine Rousseau que la direction d’EE-LV exigeait le retrait immédiat d’Anne Hidalgo de la course.
Cette énergie conquérante fait plaisir à voir : voilà au moins un parti qui a confiance en lui-même et n’hésite pas à réclamer l’effacement de son concurrent le plus proche, le courant social-démocrate, dans une forme de suicide politique assisté. Il faut craindre, toutefois, que ce bel empressement ne néglige quelques questions essentielles.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Le parti vert s’est plaint, tout au long de son existence, d’un certain impérialisme socialiste, qui se fondait sur un rapport de force électoral clair et net pour assigner aux Verts une place seconde, voire secondaire. Il apparaît maintenant que cette exigence de respect et d’égalité de traitement était purement circonstancielle. Ce que veulent les Verts, ce n’est pas la considération mutuelle, c’est l’inversion des rôles : les écologistes, s’autoproclamant force dominante à gauche, décrètent la disparition de leurs partenaires. Un peu raide, non ? D’autant que cette inversion du rapport de forces ne se vérifie pas dans les urnes. C’est un vœu, non un fait. Aux municipales, aux régionales, malgré les indéniables progrès des Verts, les socialistes ont fait preuve d’une dérangeante résilience. Quant aux sondages, ils les placent peu ou prou au même niveau que le parti vert. Il n’y a ni géant vert, ni nain rose. Pourquoi devraient-ils obéir sur l’heure à cet oukase incongru qui prône une soudaine diminution de la biodiversité politique ?
Il leur faut, de toutes manières, avant de s’arroger le monopole du progressisme, répondre à quelques interrogations légitimes :
- Jadot l’emporte de peu (51%). Résistera-t-il à la poussée radicale qui se manifeste au sein du militantisme vert ? Reprendra-t-il à son compte les injonctions décroissantes et « wokistes » que le scrutin a mis en lumière ? Racialisera-t-il son propos, comme l’a fait Sandrine Rousseau à de multiples occasions ? Passera-t-il de la critique du productivisme à la prise en compte des thèses décroissantes ?
- L’introduction d’une proportionnelle intégrale, qui figure dans ses propositions, n’augure-t-elle pas de singuliers effets pervers ? En privant tous les partis de la majorité, elle suppose la constitution de coalitions. On peut imaginer une coalition de la toute la gauche. Pourquoi pas ? On peut aussi considérer qu’une coalition droite-LREM, quoique regrettable aux yeux de la gauche, resterait dans l’épure républicaine. Mais quid d’une coalition droite-extrême-droite, qui pourrait se retrouver arithmétiquement majoritaire et ouvrirait les portes du pouvoir d’État aux nationalistes et aux xénophobes ?
- Jadot prévoit de sortir du nucléaire en quinze ou vingt ans. C’est conforme à ses engagements de toujours, au sein de Greenpeace notamment. Mais à cette échéance, il est probable que les besoins en électricité auront nettement augmenté, ne serait-ce que pour généraliser le « transport propre ». Les renouvelables pourront-ils prendre le relais ? Ou bien faudra-t-il ouvrir des centrales au gaz ou au pétrole pour assurer la continuité de l’alimentation en électricité ? L’exemple allemand dans ce domaine n’est guère probant…
- Même question pour le nucléaire militaire. Jadot souhaite également en sortir. Si les grandes puissances prennent le même chemin, fort bien. Mais si tel ou tel État conserve son arme nucléaire, la France peut-elle abandonner la sienne ?
Et ce ne sont là que quelques exemples.
On ne voit pas, à ce stade, pourquoi les sociaux-démocrates devraient soudain s’effacer, avant même que la vraie campagne ne commence, alors même qu’ils ont un projet social ambitieux assorti d’un plan de transition écologique crédible. Les injonctions expéditives sont rarement productives…