Tous contre le RN ? - Lettre politique #100

Laurent Joffrin | 14 Juin 2021

Il fallait y être. Il fallait montrer qu’il y a, en face d’une extrême-droite portée par les sondages et l’air du temps, une force militante capable de se mobiliser et d’occuper la rue.

Quelque quarante mille manifestants dans toute la France, selon les autorités, environ 140 000 selon les organisateurs : toujours cette dichotomie un peu ridicule entre les chiffres, alors qu’il est assez facile de compter quand on s’en donne la peine. Disons que la mobilisation est réelle même si elle reste circonscrite aux cercles les plus motivés, ou les plus militants. Rien à voir avec les défilés massifs nés des succès électoraux du Rassemblement national, en 2002 notamment. Mais un môle de résistance, qui reste précieux en ces temps difficiles, même si l’essentiel, on le sait bien, se jouera dans les urnes.


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Encore faudra-t-il lever quelques ambiguïtés. Plus de 150 organisations appelaient à manifester, ce qui a fait du défilé de samedi dernier un acte plutôt consensuel. Mais certains courants appelaient plus que d’autres, ce qui a refroidi une partie des participants potentiels. On défilait « contre les idées du RN », juste cible. Mais les initiateurs, la France insoumise et Génération.s, semblaient aussi suggérer que ces idées déteignaient sur une partie de la gauche. Ce qui induisait une tentation : trier, au sein du camp anti-RN, ceux qui représentaient « la vraie gauche », et les autres. Drôle d’idée, tout de même, pour un cortège en principe voué à l’alliance anti-RN la plus large. Tous contre le RN, mais certains plus que d’autres, au terme d’une auto-proclamation étrange.

La pente est dangereuse : la gauche, toute mouillée, représente environ 30% de l’électorat. Si on l’ampute de ceux qu’on trouve trop tièdes ou trop raisonnables – les socialistes ou les radicaux, par exemple –, on tombe aux alentours de 20%. Un peu court, on le reconnaîtra, pour faire barrage. Avec une question en prime. LFI, fer de lance de la mobilisation, reste plus qu’ambigüe sur l’attitude à adopter au second tour, dans le cas où la gauche n’y figure pas. On croit comprendre que la formation de Jean-Luc Mélenchon est fort tentée de renvoyer dos à dos les éventuels protagonistes d’un duel opposant le RN et une autre formation, de droite ou macronienne. Autrement dit, ses leaders se présentent comme les plus radicaux des anti-RN, sauf s’ils sont confrontés à un choix difficile entre deux maux, dont l’un est pourtant, de toute évidence, moindre que l’autre. Alors même que tout républicain préférera toujours le centre ou la droite à l’extrême-droite. À condition d’être conséquent et de récuser les sirènes d’un populisme confusionniste.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages