Trump et la gauche - La lettre politique de Laurent Joffrin #21

Laurent Joffrin | 03 Novembre 2020

Trump et la gauche

 

Échéance décisive pour la gauche dans le monde… Le scrutin américain pèsera bien sûr sur le destin général de la planète. Mais il influera, en particulier, sur l’avenir du camp progressiste. À cause des enjeux de fond, en premier lieu : le président Trump, s’il était réélu, aggraverait encore les maux qui soucient en priorité la gauche.

Climato-sceptique, Trump continuera de mener la funeste politique inaugurée par le retrait américain de l’accord de Paris sur le climat et prolongée par le refus de toute mesure de sauvegarde de l’environnement. À l’inverse, le candidat Biden de la gauche américaine (qui serait plutôt centre-gauche ou centre en Europe) veut une neutralité carbone en 2050.

Milliardaire cynique, Trump jouera plus que jamais l’inégalité, selon le dogme libéral selon lequel, pour aider les pauvres, il faut se hâter d’enrichir les riches. Au contraire, Biden veut imposer davantage les classes riches, relever le salaire minimum et étendre la couverture santé.

Nationaliste, Trump achèvera de mettre en pièces les coopérations internationales qui sont pourtant les seulesparades rationnelles aux défis du siècle. Au contraire, Biden veut réintégrer le concert international et rétablir un certain multilatéralisme.

L’élection de cette nuit apportera surtout une réponse à la question qui taraude les gauches dans la plupart des pays : comment renouer avec les classes populaires ?Comme les autres leaders du national-populisme, Trump a construit son succès sur la conquête de cet électorat bousculé par le capitalisme mondialisé et angoissé par l’immigration. Naguère les électeurs pauvres votaient en majorité à gauche. Mais cette gauche, appuyée sur les couches diplômées de la population, n’a pas su répondre au besoin de protection qui émanait des victimes de la mondialisation, ni éviter d’être assimilée peu ou prou aux élites culturelles et économiques. Par son style, Trump parle comme on le fait au saloondu coin, par sa rhétorique anti-élites et sa promesse de fermer les frontières aux hommes et aux marchandises, le tribun formé par la télé-réalité a détourné ouvriers et employés du vote démocrate.

Biden a tenté de les récupérer grâce à des mesures sociales, une plus grande justice fiscale, un programme d’investissement massif dans les infrastructures et un discours rassembleur qui ne vise pas seulement les minorités pauvres mais aussi les classes moyennes et populaires blanches. Même si la pandémie de Covid, gérée par Trump de manière désastreuse, lui a donné des arguments supplémentaires, sa victoire signifierait qu’un projet de justice sociale, allié à des mesures de réindustrialisation et une écologie soucieuse du social, peut servir de socle à la reconquête.

Mais comme on le sait, rien n’est joué…

 

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages