Une droite disparaît - Lettre politique #122

Laurent Joffrin | 15 Novembre 2021

Ce qui frappe dans l’attaque fausse, insultante, extravagante, d’Éric Zemmour contre François Hollande et les autorités républicaines de l’époque, c’est aussi la mollesse des réactions de la classe politique.

L’ancien président, autant que Manuel Valls, a fait justice de ces calomnies : il est honteux de prétendre, sur la base d’une citation falsifiée, que le gouvernement français aurait laissé volontairement venir en France des terroristes infiltrés dans le flux des migrants venant d’Irak et de Syrie. François Hollande a dit au procès du Bataclan qu’il avait su que certains djihadistes s’étaient fondus dans la masse des réfugiés pour parvenir en Europe. Il ne les a donc pas laissés venir : ils étaient déjà là, préparant leur attentat, sans qu’on sache, ni leur identité exacte ni leur localisation. En mentant effrontément, Zemmour déclenche une polémique indigne le jour anniversaire de la tuerie du Bataclan, au mépris des victimes. Il veut surtout assimiler immigration et terrorisme, pour dire que ceux qui acceptent la première sont complices du second. Mais en l’occurrence, les terroristes du Bataclan étaient de nationalité belge ou française et n’étaient donc pas des migrants. Zemmour veut faire croire que la fin de l’immigration signerait la fin du terrorisme, mais la majorité des attentats sont commis par des nationaux des pays attaqués et non par des immigrés : démagogie, mensonge, diffamation.


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Cette démonstration simple devrait disqualifier l’histrion identitaire aux yeux de tout responsable politique un tant soit peu républicain. Or les réactions ont été faibles à gauche et inexistantes à droite. On laissera de côté la perle de Raquel Garrido (LFI), qui reproche à Zemmour d’empêcher « la réconciliation des victimes avec les terroristes » (sic) - cette dame est élue de la République… Pour le reste, la gauche a fait le service minimum, tandis que la droite restait muette. Pourtant, ayant elle aussi, comme tout responsable de bon sens à travers le monde, maintenu un flux d’immigration, elle est rangée par Zemmour dans la catégorie des complices du terrorisme.

Qu’à cela ne tienne : la droite est face au phénomène Zemmour comme un lapin dans les phares. Le débat de dimanche soir en a apporté une nouvelle preuve. Plutôt que de défendre leur projet, les candidats de la primaire ont rivalisé dans la surenchère identitaire. Voyant une partie de ses électeurs tentés par le polémiste, cherchant à convaincre des militants radicalisés, la droite se garde de l’attaquer. En restant muette, elle a laissé Zemmour passer en trois mois de 5 à 18% dans les sondages, en partie à son détriment. En taisant ce qui pourrait la distinguer de sa rhétorique extrême, elle a jeté un pont avec lui, sur lequel ses électeurs risquent fort de se presser en masse.

La première condition pour gagner une élection, c’est d’indiquer en quoi on se distingue des autres. C’est-à-dire avoir le courage d’être soi-même. Ce courage qu’avait manifesté Jacques Chirac en traçant une frontière entre lui et Le Pen. Il y avait à l’époque une droite républicaine. Pleutre et tétanisée, elle disparaît. A moins qu’elle ne soit déjà ralliée sans le dire à la xénophobie zemmourienne.

 

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages