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Une élection cache-cache
Petit à petit, à 30 jours de l’échéance, le projet Macron sort de l’ombre des bureaux élyséens. Impossible d’en juger dans son ensemble : c’est un puzzle où manquent la majorité des pièces. On ne pourra pas voir ce programme en même temps, mais par bribes. On sait que l’élection présidentielle se joue dans les dernières semaines. Cette fois, ce sera un jeu de cache-cache.
Confortablement installé sur ses 30% d’intentions de vote au premier tour, le président ne ressent aucune urgence. Et comme il ne débattra avec personne, sinon quelques « assemblées citoyennes » bien choisies, le vote Macron ressemblera moins à un bulletin qu’à un blanc-seing. Selon ses propres termes, il a été élu en 2017 « par effraction ». Il compte l’être en 2022 par occultation.
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Néanmoins, les deux premières mesures importantes annoncées donnent une idée du reste, comme deux os permettent de reconstituer un squelette. La suppression de la redevance télé, sans doute populaire, devra être compensée par une dépense publique supplémentaire, dont on ignore comment elle sera financée. Elle aura surtout pour effet de soumettre les moyens matériels de la radio et de la télévision publiques aux aléas de la discussion budgétaire annuelle et au rabot manié avec énergie par les fonctionnaires de Bercy. Brillante idée, au moment où ce service public joue un rôle décisif dans la lutte contre la marée noire des « fake news », contre le pouvoir exorbitant du secteur privé sur les programmes de télé et contre l’envahissement de la production audiovisuelle par la pure logique du divertissement, souvent sous influence anglo-saxonne.
L’autre mesure consiste à repousser à 65 ans l’âge de départ à la retraite, aussi simple dans la régression sociale que la réforme précédente était contournée. Le Medef applaudit, tous les syndicats protestent, y compris les plus réformistes. Les salariés – et surtout les salariées - à longues carrières ou bien soumis à la précarité en pâtiront ; celles et ceux qui sont privés d’emploi en fin de parcours devront attendre plusieurs années dans cette situation avant de pouvoir bénéficier de leur retraite ; les écarts d’espérance de vie entre travailleurs – jusqu’à sept ans entre cadres et ouvriers, par exemple – restent hors champ, d’autant que le même Macron, sous l’injonction du patronat, a supprimé une bonne partie des « critères de pénibilité » instaurés sous Hollande.
Personne ne nie les difficultés de financement du système actuel, liées à l’allongement de la vie. Mais avant de reculer l’âge de départ, on doit examiner toutes les autres solutions : moindre taux de chômage ; meilleur emploi des seniors ; nouvelles sources de financement, etc. Ce que l’on se garde de faire, selon les vœux du patronat.
Ainsi se dessine un profil général clair dans son obscurité : un pot-pourri libéral, qui prorogera les inégalités et satisfera surtout ces « premiers de cordée » choyés par le régime.