Vétusté du « nouveau monde » - Lettre politique #104

Laurent Joffrin | 28 Juin 2021

L’étau se desserre. Un espoir prudent naît de ce scrutin régional qui a déjoué toutes les prévisions : peut-être échapperons-nous au duel déprimant promis par les sondages entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Certes nous en sommes encore loin. Certes l’abstention massive, réitérée en dépit de toutes les objurgations, empêche toute leçon définitive. Mais enfin... Si l’on considère ce scrutin clair quoique partiel, droite et gauche retrouvent leurs couleurs, dans tous les sens du terme, avec un net avantage pour la première, mais sans que la seconde ait mordu la poussière, bien au contraire. Le RN a perdu ses électeurs en route et subit un revers indiscutable ; LREM n’a pas trouvé les siens, confirmant de manière spectaculaire sa non-existence sur le terrain. Xavier Bertrand est le premier bénéficiaire de cette résurrection, même si ses rivaux l’ont aussi emporté. Déjà, dans un sondage national, il dépasse les 18%, ce qui le rapproche d’Emmanuel Macron et laisse présager un « duel à trois » qui change d’ores et déjà la donne de la présidentielle.

On parle d’une « revanche du vieux monde ». Drôle d’idée, si l’on y pense. À droite, Pécresse, Wauquiez et Bertrand ne sont pas exactement des momies. À gauche, un seul exemple : Carole Delga, qui a réalisé le meilleur score de tous les vainqueurs des régionales, qui dirige l’Occitanie avec énergie sur la base d’un projet social et écologique, n’a rien qu’on sache de cacochyme ou d’obsolète. Quant à Alain Rousset, réélu pour la cinquième fois, il a gardé, on le reconnaîtra, une certaine verdeur.

Au fond, ce qui est vieux, désormais, c’est la distinction entre « vieux monde » et « nouveau monde ». Pas seulement en France : à près de 80 ans, Bernie Sanders ou Joe Biden sont-ils neufs ou anciens ? Anciens par l’âge mais neufs par la politique qu’ils proposent. Tout le contraire d’Emmanuel Macron, biologiquement jeune et politiquement vieux, héraut d’un « nouveau monde » passablement rance.

On peut étendre le raisonnement au sein de la gauche. Résultat brut : menée par les socialistes, la gauche gagne et conserve cinq régions ; chapeautée par les écologistes, elle perd. Là aussi, il ne suffit pas de revendiquer la nouveauté pour remporter le scrutin. Si les électeurs ont reconduit les présidents socialistes, c’est qu’ils les ont vus à l’œuvre. L’expérience, contrairement à ce qu’on tend parfois à faire croire, n’est pas toujours un handicap. En tout cas, au vu de ce vote, on ne voit pas ce qui fonderait la prétention d’EELV à dominer la gauche, et encore moins celle de LFI. Là aussi, les sondages nationaux commencent à bouger. Le dernier en date place Jadot et Hidalgo chacun autour de 10% et relègue Mélenchon en troisième position. Ainsi l’intuition initiale des Engagés reçoit un début de confirmation dans les urnes : si l’on veut gouverner, il faut une gauche de gouvernement.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages