Barbecues et chars à voile

Laurent Joffrin | 07 Septembre 2022

Sobriété générale ou confusion générale ? Sandrine Rousseau brûle en effigie les amateurs de barbecue ; Emmanuel Macron demande aux Français de réduire de 10% leur consommation d’énergie ; les médias fourmillent des conseils pratiques les plus disparates, sans ordre ni raison, destinés à économiser l’énergie - faire pipi sous la douche, diminuer le chauffage à 19 degrés, cesser de prendre l’avion, proscrire la climatisation, manger local, acheter un véhicule électrique, isoler sa maison, rationner l’usage du téléphone mobile, etc. Les plus radicaux disent qu’il faut les appliquer tous. Ils prônent un régime végan, des vacances en France, la fin des portables, les déplacements à pied ou à vélo, le gros pull-over à la place du chauffage, les vêtements de seconde main, l’autoproduction alimentaire, etc. Mode de vie très respectable qui a peu de chances de convertir à brève échéance la masse des Français, tandis que la droite crie déjà à la société punitive, au totalitarisme vert, à la dictature écologique. Quelques beaufs estampillés en profitent pour émettre de louches et lourdingues sarcasmes envers l’impératif de sobriété. Ainsi Christophe Galtier, entraîneur du PSG, l’équipe phare du foot français, qui répond à une critique sur les déplacements de ses joueurs en jet privé par cette saillie brillante : « On est en train de voir si on ne peut pas se déplacer en char à voile ». Pour ensuite s’excuser piteusement. Confusion…

Il existe pourtant un moyen simple de mettre un peu d’ordre et d’efficacité dans l’indispensable effort collectif. Un geste volontaire qui permettrait de rationaliser tous les autres gestes, un instrument de mesure qui servirait à tous ceux qui souhaitent réformer leur mode de vie en toute lucidité, sans tomber dans l’ascétisme doloriste ou s’en remettre aux conseils désordonnés prodigués au petit bonheur dans l’arène médiatique.

Cet instrument a pour nom le "compte carbone individuel"(1). Plutôt que d’agir plus ou moins à l’aveugle, chaque consommatrice, chaque consommateur, disposerait, à côté de son compte bancaire, d’un compte « gaz à effet de serre » qui lui permettrait d’évaluer au fil de l’année sa dépense en carbone et gaz associés. Chaque semaine ou chaque mois, chacune et chacun pourrait évaluer sa dépense en GES et moduler sa consommation en conséquence.

Bien entendu, la mise en place de ces comptes reposerait sur le volontariat : l’obligation serait très mal reçue. Mais on peut parier que le nombre de Françaises et de Français conscients de l’enjeu climatique est désormais suffisant pour arrive à une masse critique sans recourir à la contrainte. Pour éviter toute dérive orwellienne, ce compte serait personnel, confidentiel, ni plus ni moins que le sont aujourd’hui les comptes bancaires. Une seule contrainte : celle qui pèserait sur les entreprises pour étiqueter selon leur coût en carbone les produits qu’elles mettent sur le marché. C’est là que les pouvoirs publics doivent intervenir, pour fixer la règle et fournir aux entreprises le moyen technique d’évaluer les émissions occasionnées par leur production. Une fois le système en place, chacun exercerait sa responsabilité en se dotant d’un compte et en analysant sa propre consommation.


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Utopie ? Certainement pas : le système a déjà été testé dans des villes ou des quartiers ; plusieurs sites ou magazines proposent d’ores et déjà des instruments numériques permettant à chacun de mesurer sa dépense carbone. L’étiquetage général rendrait le système simple : sur toute facture figurerait le prix en euros et le « prix » en carbone. Il suffit dès lors de faire une addition…

Il y a des objections ? Des obstacles ? Des résistances ? Alors ouvrons un débat. Il vaudra toujours mieux d’une polémique sur le machisme des barbecues et sur les mérites comparés du jet et du char à voiles.

 

(1) Le compte carbone individuel fait partie des propositions contenues dans le manifeste des Engagé.e.s, Le temps des possibles, publié au début de l’année 2021 : https://www.engageons-nous.org/organiser_une_relance_verte_temps_des_possibles Proposition #28

 

 


Et aussi

 

Depuis quelques semaines, les pro-Poutine ne cessent de dénigrer les sanctions arrêtées par les grandes démocraties envers la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. Ces mesures, disent-ils, ne gênent en rien l’économie russe ; pire, la hausse du prix de l’énergie remplit les caisses de Poutine. Lequel vient de menacer les Occidentaux d’une coupure totale des livraisons de gaz russe si les restrictions n’étaient pas levées. Ce qui soulève une question innocente : si les sanctions ne servent à rien, si elle enrichissent l’État russe au lieu de l’appauvrir, pourquoi Poutine est-il si pressé d’obtenir leur annulation ?

 

À la suite d’un rapport administratif accablant sur les pratiques du professeur Raoult à l’IHU de Marseille, le gouvernement a décidé de saisir la justice. C’est ce même gouvernement qui avait prudemment ménagé le péremptoire professeur au moment de la polémique sur l’hydroxychloroquine.

Emmanuel Macron avait même rendu à Raoult une visite qui valait reconnaissance. On dira que les menées douteuses en vigueur à l’IHU n’étaient pas connues à l’époque. Certes. Mais quiconque doué d’un peu de bon sens pouvait légitimement constater, au vu des essais cliniques rares et farfelus effectués par Raoult à l’époque, que ce médicament agissait au mieux comme un placebo. Mais Raoult était populaire : d’où cette vigilance gouvernementale à géométrie variable…

 

Mélenchon annonce qu’il ne souhaite en rien se présenter pour la quatrième fois, en 2027, à 76 ans, à la présidence de la République. Douze heures plus tard, il dit le contraire, accusant les médias de manipulation (alors que ses propos ont été enregistrés). Manifestement pour des raisons tactiques, et traduisant une nouvelle fois les rapports élastiques qu’il entretient avec la vérité, il change de discours du jour au lendemain. Ce qui tend à prouver, in fine, qu’il n’a pas changé…

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages